Colette


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Sa famille
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sido

La mère de Colette.

-- où sont les enfants ?

Deux reposent. Les autres jours par jours vieillissent. S'il est un lieu où l'on attend après la vie, celle qui nous attendit tremble encore, à cause des deux vivants.


La maison de Claudine


SIDO, à partir de "la naissance du jour" , devient la figure de premier plan de l'oeuvre de Colette.
Un ouvrage portant ce titre parait en
1930

 

J’aurais volontiers illustré ces pages d’un portrait photographique. Mais il m’eût fallu une « Sido » debout, dans le jardin, entre la pompe, les hortensias, le frêne pleureur et le très vieux noyer. Là je l’ai laissée, quand je dus quitter ensemble le bonheur et mon plus jeune âge. Là, je l’ai pourtant revue, un moment furtif du printemps de 1928. Inspirée et le front levé, je crois qu’à cette même place elle convoque et recueille encore les rumeurs, les souffles et les présages qui accourent à elle, fidèlement, par les huit chemins de la Rose des Vents.
 
Sido

 



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Le Capitaine Colette

Le pére de Colette.

-- oui? He bien, essaie de mourir avant moi, et tu verras !

--je l'essaierai, ma chère âme, répondait-il.

Elle le regardait aussi férocement que s'il eut, par distraction, écrasé une bouture de pélargonium ou cassé la petite théière chinoise niellée d'or:

--Je te reconnais bien là ! Tout l'égoïsme des Funel et des Colette  est en toi ! Ha ! pourquoi t'ai-je épousé ?


 La maison de Claudine


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Cela me semble étrange, à présent, que je l’aie si peu connu. Mon attention, ma ferveur, tournées vers « Sido », ne s’en détachaient que par caprices. Ainsi faisait-il, lui, mon père. Il contemplait « Sido ». En y réfléchissant, je crois qu’elle aussi l’a mal connu. Elle se contentait de quelques grandes vérités encombrantes : il l’aimait sans mesure, – il la ruina dans le dessein de l’enrichir – elle l’aimait d’un invariable amour, le traitait légèrement dans l’ordinaire de la vie, mais respectait toutes ses décisions.

Sido

 

Il était poète, et citadin. La campagne, où ma mère semblait se sustenter de toute sève, et reprendre vie chaque fois qu’en se baissant elle en touchait la terre, éteignait mon père, qui s’y comporta en exilé.
 
Elle nous sembla parfois scandaleuse, la sociabilité qui l’appelait vers la politique des villages, les conseils municipaux, la candidature au conseil général, vers les assemblées, les comités régionaux où l’humaine rumeur répond à la voix humaine. Injustes, nous lui en voulions vaguement de ne pas assez nous ressembler, à nous qui nous dilations d’aise loin des hommes.
 
Je m’avise à présent qu’il cherchait à nous plaire, lorsqu’il organisait des « parties de campagne », comme font les habitants des villes. La vieille victoria bleue emportait famille, victuailles et chiens jusqu’aux bords d’un étang, Moutiers, Chassaing, ou la jolie flaque forestière de la Guillemette qui nous appartenait. Mon père manifestait le « sens du dimanche », le besoin urbain de fêter un jour
le « sens du dimanche », le besoin urbain de fêter un jour entre les sept jours, au point qu’il se munissait de cannes à pêche, et de sièges pliants.


Sido
 

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Achille

Le demi-frère de Colette.

Elle contemplait ses deux garçons, les demi-frères, et les trouvait beaux... l'aîné surtout, le châtain aux yeux pers, dix-sept ans, une bouche empourprée qui ne souriait qu'à nous  et à quelques jolies filles.


 Sido


Elle contemplait ses deux garçons, les demi-frères, et les trouvait beaux. L'aîné surtout, le châtain aux yeux pers, dix-sept ans, une bouche empourprée qui ne souriait qu'à nous et à quelques jolies filles.


La maison de Claudine
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Léo

Le frère de Colette.

...tandis que le second espérait sourdement que rien ne commencerait jamais pour lui, sauf le jour suivant, sauf l'heure d'échapper à une contrainte civilisée, sauf la liberté totale de rêver et de se taire... Il l'espère encore.


 Sido


 

Lorsqu'elle partait chaque trimestre pour Auxerre à deux heures du matin, dans la victoria, ma mère cédait presque toujours aux instances de son enfant le plus jeune. Le privilège de naître la dernière me conserva longtemps ce grade d'enfant-le-plus-jeune, et ma place dans le fond de la victoria. Mais avant moi il y eut pendant une dizaine d'années ce petit garçon évasif et agile. Au chef-lieu, il se perdait, car il déjouait toute surveillance. Il se perdit ici et là, dans la cathédrale, dans la tour de l'horloge, et notamment dans une grande épicerie, durant qu'on emballait le pain de sucre drapé d'un biais de papier indigo, les cinq kilos de chocolat, la vanille, la cannelle, la noix-muscade, le rhum pour les grogs, le poivre noir et le savon blanc. Ma mère fit un cri de renarde:
– Ha !… Où est-il ?
– Qui, madame Colette?
– Mon petit garçon! L'a-t-on vu sortir?
Personne ne l'avait vu sortir, et déjà ma mère, à défaut de puits, interrogeait les cuves d'huile et les tonneaux de saumure.
On ne le chercha pas trop longtemps, cette fois. Il était au plafond. Tout en haut d'un des piliers de fonte tors, qu'il étreignait des cuisses et des pieds comme un grimpeur des cocotiers, il manœuvrait et écoutait les rouages d'un gros cartel à face plate de chat-huant, vissé sur la maîtresse-poutre. […]
Elle se trompa, nous la trompâmes plus d'une fois. Elle ne se décourageait pas et nous coiffait d'une nouvelle auréole. Mais elle n'accepta jamais que son second fils échappât, comme elle disait, à la musique, car je lis dans mainte lettre qui date de la fin de sa vie : "Sais-tu si Léo a un peu de temps pour travailler son piano ? Il ne doit pas négliger un don qui est extraordinaire ; je ne me lasserai pas d'insister là-dessus…" A l'époque où ma mère m'écrivait ces lettres, mon frère était âgé de quarante-quatre ans.


Sido

 

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Juliette

Demi-Sœur de Colette.

A midi, elle lisait déjà, le grand déjeuner finissant à onze heure. Le matin, couchée, elle lisait encore. Elle détournait à peine, au bruit de la porte, ses yeux noirs mongols, distraits, voilés de roman tendre ou de sanglante aventure.


La maison de Claudine


Noirs, mêlésde fils roux, mollement ondés, les cheveux de Juliette, défaits, la couvraient exactement tout entière. Un rideau noir, à mesure que ma mère défaisait les tresses, cachait le dos; les épaules, le visage et la jupe disparaissaient à leur tour, et l'on n'avait plus sous les yeux qu'une étrange tente conique, faite d'une soie sombre à grandes ondes parallèles, fendue un moment sur un visage asiatique, remuée par deux petites mains qui maniaient à tâtons l'étoffe de la tente.

La maison de Claudine

Sitôt mariée, ma soeur aux longs cheveux céda aux suggestions de son mari, de sa belle-famille, et cessa de nous voir, tandis que s'ébranlait l'appareil redoutable des notaires et des avoués. J'avais onze, douze ans, et ne comprenais rien à des mots comme «tutelle imprévoyante, prodigalité inexcusable», qui visaient mon père. Une rupture suivit entre le jeune ménage et mes parents. Pour mes frères et moi, elle ne fit pas grand changement. Que ma demi-soeur — cette fille gracieuse et bien faite, kalmoucke de visage, accablée de cheveux, chargée de ses tresses comme d'autant de chaînes — s'enfermât dans sa chambre tout le jour ou s'exilât avec un mari dans une maison voisine, nous n'y voyions ni différence ni inconvénient. D'ailleurs, mes frères, éloignés, ressentirent seulement les secousses affaiblies d'un drame qui tenait attentif tout notre village.


La maison de Claudine




Colette