Le mot de
Sreekrishnan SRINIVASAN,
ENID
BLYTON OU LE SUBTERFUGE DE MARY POLLOCK
Je
me rappelle très bien avoir déniché ce livre et
l’éclat de rire
qui s’était emparé de moi en l’ouvrant à la page de
titre.
C’était à l’occasion du nettoyage annuel de la
bibliothèque
auquel je me livrais, qu’il me tomba sous la main et
qu’il me fit
sourire une deuxième fois. Comme on peut le voir,
son ancien
propriétaire avait barré avec emphase le nom de
l’auteur « Mary
Pollock » et avait soigneusement inscrit au crayon «
Enid Blyton »,
sans oublier de tracer le fameux double trait en
dessous de la lettre
« d » à Enid.
Dans
les années 1940, la maison d’édition d’outre-Manche
George
Newnes publia deux livres écrits par Mary Pollock,
intitulés Three
Boys
and a Circus pour
l’un
et The
Children of Kidillin1
pour l’autre. Ces deux ouvrages connurent tant de
succès qu’ils
interpellèrent un chroniqueur qui fit la remarque
suivante : « Enid
Blyton ferait mieux de s’en tenir à ses lauriers. »
C’était
bien entendu Enid Blyton, qui écrivait sous son
pseudonyme composé
de son nom marital de Pollock et de son second
prénom Mary. Le
rationnement qu’imposait la guerre dans le commerce
du papier
faisait qu’Enid était obligée de répartir ses
manuscrits parmi
diverses maisons d’édition. Par contre, ceux de ses
ouvrages qui
paraissaient sous le nom de Mary Pollock étaient
publiés chez son
éditeur principal Newnes. Aussi, selon toute
vraisemblance, cet
exercice auquel elle se pliait n’avait-il pas pour
but unique de
réaliser des économies de papier seulement. Il est
plus probable
qu’Enid était curieuse de voir quel accueil serait
réservé à
ses nouvelles parutions sans que ses nom et prénom
figurent en
couverture.
Pour
se vendre, elles se vendirent. Seulement, les jeunes
lecteurs ne
furent pas dupes. Ils eurent tôt fait de découvrir
qu’il
s’agissait là de leur Enid Blyton à eux. Du coup, ce
fut à qui
écrirait des lettres de plainte aux éditeurs, mais
aussi à Enid
elle-même. Toute cette histoire donna lieu à un tel
embrouillamini,
que les éditeurs finirent par décider de rééditer
les romans en
question, cette fois, sous le propre nom d’Enid.
Six
livres en tout furent publiés sous le nom de Mary
Pollock entre 1940
et 1943. On peut retrouver ces titres sur le site
Web de "The
Enid Blyton Society".
—
Traduit de l'anglais par Sreekrishnan SRINIVASAN, le
23 novembre
2016.
1
Titres non traduits en français. [NdT]
*
Stoney, Barbara, Enid Blyton, Tempus 2006. Cet
ouvrage est inédit en
France. [NdT]