Malory School

MALORY SCHOOL
MALORY TOWERS

 

  
Translation

 

Michel Bosc est un passionné de la série Malory School, (Malory Towers). Il connaît parfaitement tous les personnages, comme s'ils étaient de sa famille. C'est à ce titre que je lui ai demandé de rédiger un article sur un sujet qui ne pouvait que l'inspirer. Voici donc sa fine analyse des filles de Malory School.

 

La grande passion de Michel Bosc, c'est la musique, il est Compositeur classique - orchestrateur.
Son oeuvre  compte plus de 150 pièces, allant de la musique de chambre à la musique symphonique, de la musique vocale à la musique instrumentale, de la musique sacrée à la musique de scène.

http://www.michelbosc.com/

Serge

 


 

 

La série des 
Malory school : 
une littérature pour enfants ?

 

 

Oui, bien sûr, la série des Malory school est bien destinée aux enfants, car les espiègleries de gamine qui y fourmillent et celles auxquelles leurs professeurs finissent par se livrer, rendent vraiment ces ouvrages amusants. Réveillons, gourmandises, escapades, farces, tous les ingrédients qui font du Club des 5 une série palpitante se retrouvent également réunis ici. Pour autant, jamais Enid Blyton n'a poussé aussi loin l'analyse des caractères humains. Et pour cause : l'héroïne de la série, Dolly Rivers (Darrell Rivers en anglais), est une projection d'Enid Blyton soi-même, dont le second mari s'appelait Darrell Waters. A bien des égards, Malory school, qui comporte plus d'une centaine de personnages, est une fresque sociale et psychologique réaliste, souvent bien sombre : littérature enfantine ne signifie pas littérature édulcorée. 



Malory school, école de l'accomplissement



Bien entendu, on découvre dans cette population un panel des défauts et des qualités humaines : l'emportement de Dolly Rivers, la timidité de Mary-Lou, la dureté moqueuse de Géraldine. Pour autant, il ne s'agit jamais de simples allégories ou de prototypes figés. Ainsi, dans la catégorie (assez bien représentée !) des " pimbêches " de Malory school, le narcissisme purement corporel de Priscilla n'est pas la vanité mensongère, aux velléités sociales, de Dany, ni l'égocentrisme nombriliste et lâche de Brigitte, et encore moins la simple prétention de Sylvia avant qu'elle ne se décide à travailler sa voix pour de bon. 

Les personnages interagissent et évoluent continuellement, permettant une infinité de situations psychologiques parfois complexes. Si, dans le Club des 5, le temps semble n'avoir aucune prise sur les protagonistes, identiques d'un volume à l'autre, il est omniprésent à Malory school, dont il modèle les personnages en profondeur, si bien qu'à la fin de la lecture de la série, le lecteur a vraiment l'impression d'un cycle scolaire entier, d'une page de vie dans un univers dense et vivant. Géraldine, dans laquelle on voit au départ la meilleure amie de Dolly, nous déçoit ; Edith, qui au début de la série nous est insupportable, devient la plus attachante des camarades. Muriel, d'abord blâmée, est ensuite plainte. Mary-Lou, risible à force d'effacement, force notre sympathie à mesure qu'elle s'affirme. Brigitte elle-même trouvera (de justesse, il est vrai) la rédemption. L'un des moments les plus forts du cycle est la réalisation, par les élèves, du projet commun d'une représentation théâtrale. Dolly Rivers (là encore, projection d'Enid Blyton elle-même) deviendra auteur, Sylvia chanteuse, Belinda dessinatrice, Irène musicienne. L'espièglerie de Géraldine est sublimée dans un rôle de clown ; souvent présentée comme une petite fille, Mary-Lou laisse éclore sa féminité en interprétant le rôle de Cendrillon, tandis qu'Alex, plus ambiguë, interprète celui du prince. On notera que, dans les éditions françaises d'origine, les illustrations de Josette Robion (pour les cinq premiers volumes) rendaient mieux justice à la profondeur des personnages que celles de Patrice Harispe, qui infantilise les personnages dans le sixième et dernier volume.

 



Rapports de force

 



Malory school est le théâtre de rapports de forces continuels. Rien n'est éludé de l'étude de la domination, l'un des thèmes centraux du cycle. Autoritaire mais efficace, Belinda domine Jill. Castratrice, Corinne écrase et vampirise sa sœur jumelle Kate. Par la ruse du mensonge, Dany mène Brigitte par le bout du nez en la prenant par son point faible : la vanité. Myra recevra des lettres anonymes dénonçant son autoritarisme, et Dolly elle-même sera qualifiée de tyran. 

L'autorité est aussi traitée par le biais des professeurs, dont la directrice, l'imposante madame Grayling, cristallise toute la stature. L'exigeant modèle proposé par Malory school pèse d'ailleurs fort lourd, tout au long du cycle. Lieu d'initiation et de passage vers l'âge adulte, il transforme les pensionnaires en jeunes filles parfaites. Leurs souffrances sont nombreuses : les programmes sont chargés, beaucoup d'élèves ne parviennent pas à les suivre ; le sport est intensif, la discipline de fer. Dans ce contexte rigoureux, les blagues et les farces prennent évidemment un relief particulier. Enfin, le thème de l'autorité est évoqué à travers le rôle du chef de classe, auquel tant de fillettes ont du mal à obéir. 

Malory school est-il une prison ou une caserne ? Avec ses quatre tours et l'uniforme qu'y revêtent les pensionnaires, il ressemble en tout cas à une forteresse coupée du monde. Et, curieusement, le principal souci des pensionnaires est d'en échapper, au moins provisoirement, même si les vacances leur semblent toujours trop longues et si l'appartenance à Malory relève d'un sacerdoce passionné. Pourtant, de l'escapade de Lisa et Phyllis à la chute de Mary-Lou dans la falaise, en passant par l'audition que va passer Sylvia en pleine nuit au réveillon organisé au bord de la piscine ou par les écuries vers lesquelles s'évade Alex, toutes les " filles de Malory school " semblent vouloir s'en enfuir. 



Une fresque réaliste




Malory school est aussi une fable métaphysique, dans laquelle chacun doit lutter contre sa part de ténèbres. Dans cette lutte, le bien ne l'emporte jamais facilement. Dolly, qui est la première victime, sait très bien que son caractère peut tout gâcher de ses qualités. Ne brutalise-t-elle pas Edith, ne gifle-t-elle pas Brigitte, ne bouscule-t-elle pas Muriel ? C'est en cédant à ses mauvais penchants qu'elle perdra son statut de chef de classe, consécration de l'autorité dans cette rude école de la discipline. Bien d'autres personnages sont en lutte contre eux-mêmes : Irène souffre de son étourderie, qui la stresse et lui fait perdre du temps. Priscilla aimerait ressembler aux autres pensionnaires, sans savoir comment faire pour y parvenir. Brigitte, qui ne parvient pas à s'intégrer, ne cesse de tricher pour attirer l'attention et le respect auxquels ont droit les meilleurs élèves.


Enid Blyton, dans cette série, parvient à aborder avec légèreté des sujets extrêmement graves : la jalousie entre sœurs, la solitude (Edith), le vol (Dany), la maladie, la tricherie aux examens (Muriel), la cruauté (Brigitte, Corinne), les lettres anonymes (Jill). L'un des thèmes les plus fréquemment déclinés dans ce cycle est le mensonge, étudié sous toutes ses formes : les unes mentent par coquetterie, les autres par lâcheté, d'autres encore par vice pur et simple, pour mieux dissimuler leurs méfaits. L'échec scolaire est envisagé sous de nombreux aspects : l'éducation inadaptée de Brigitte, la différence de culture de Priscilla, la maladie de Muriel, les problèmes psychologiques d'Edith, la trop grande facilité intellectuelle de Géraldine. Dans le cycle de Malory school, les problèmes des élèves sont évoqués dans le détail, avec soin, tandis que le monde des adultes semble vague, lointain, assez peu concret. Les professeurs inspirent un respect distant ou bien se résument plutôt à des caricatures, sans parvenir à atteindre le réalisme des élèves : le narrateur se situant à leur niveau, cette barrière rend le récit plus crédible et dramatiquement plus efficace. Le lecteur, immergé au milieu des élèves, dont il se trouve conduit à partager le point de vue, en est forcément plus proche. 


Oui, Malory school est bien une série pour les enfants, mais qui n'a rien de mièvre ni d'édulcoré. La tension ne faiblit à aucun moment des six tomes, et seule, la fin de la scolarité y met un terme. On se surprend à rêver à ce qu'aurait été une suite, évoquant la vie adulte des " filles de Malory school " mais " ça, c'est une autre histoire ! ".

 

 

Michel Bosc

 

Malory School