LA
TEMPÊTE DE NOËL
*
Derrière les vitre givrées, les enfants regardaient défiler le paysage. Dagobert était couché par terre et soupirait, le museau posé sur ses pattes.
- Quelle chance, dit Mick, de la neige pour Noël, et une belle couche, encore !
- Comme je suis contente, dit Annie, regardez comme les arbres sont beaux, et ce manteau blanc immaculé sur la campagne !
- Un vrai Noël, ajouta François ! Le club des cinq a de la chance ! Tu ne dis rien, Claude ?
La fillette, songeuse, se réjouissait. Elle allait retrouver ses parents, la Villa des mouettes. Dagobert, chaque soir, dormirait sur ses pieds... Un sourire se dessina sur
ses lèvres.
- Nous voilà de nouveau tous réunis. Et pas de répétiteur pour nous embêter, cette fois ! Ce que nous allons nous amuser !
Le train s'arrêta bruyamment.
Tante Cécile attendait les enfants, assise dans la petite voiture attelée au poney. Une couverture enveloppait ses jambes, car le froid était vif. On s’embrassa, et l’attelage sortit du village, et prit la route de la Villa des Mouettes !
- Maman, quel joie, dit Claude, nous sommes en pleine forme ! et c’est Noël ! Papa est-il très occupé ?
- Il a toujours autant de travail, répondit sa mère. Mais il m’a promis de se reposer la veille et le jour de Noël. Quand même, il faudra êtres calmes, car vous ne pourrez pas être tout le temps dehors, il fait si froid… et la maison ne résisterait pas à vos
jeux…
- Maman, il va encore falloir marcher sur la pointe des pieds, parler bas, et Dagobert n’aura pas le droit d’aboyer…
- Mais peut-il faire tout cela à l’école ? demanda François, venant au secours de sa
tante.
- Non bien sur… mais… La fillette s’arrêta : on apercevait la Villa des Mouettes, couvertes de neige. Un sourire apparut sur le visage de Claude. Une fumée s’échappait mollement de la cheminée de la cuisine, et Maria, la cuisinière, qui aimait beaucoup les enfants, agitait la main derrière les vitres de la fenêtre.
Quand la porte s’ouvrit, une bonne odeur de gâteau arriva au nez des enfants, et une bouffée de chaleur les enveloppa.
- Qu’il fait bon, ici, dit Mick en ôtant son manteau, tiens voilà
l’Oncle Henri qui sort de son bureau. Bonjour, mon oncle !
L’oncle Henri embrassa ses neveux, sa nièce, et sa fille.
Il avait l’air détendu. Quelle chance, se dirent les enfants, cela est bon signe. Les vacances s’annoncent
bien. Quand l’oncle Henri se fut retiré, tante Cécile invita les enfants à se rendre à la cuisine, ou Maria les attendait, devant des plats de gâteaux encore chauds, pleins d’odeurs appétissantes.
Dagobert s’agitait, sentait tous les coins, reniflait les plats, bousculait les enfants tandis que Maria distribuait de gros baisers aux garçons et aux filles.
- Maria, comme vos biscuits sentent bon , pouvons nous les goûter ? demanda Mick
d’un air gourmand.
- Non, ils sont pour ce soir, répondit Maria en se tournant pour cacher son rire. Vous attendrez bien jusque là ?
Mais personne ne la crût, et même Dagobert mangea les cakes, les biscuits, et les brioches, tandis que les enfants savouraient un chocolat crémeux et
bouillant.
- Comme c’est réconfortant, après ce train mal chauffé, dit Annie. Allons nous monter ranger nos affaires ?
- bien sur approuva François, tous en haut, et vive les vacances.
- Je suis bien contente de retrouver ma chambre, dit Claude, en posant sa valise. Je ne suis pas mal au collège, mais tout de même, on est mieux chez soi !
- Et puis c’est Noël, nous allons acheter des cadeaux, dresser l’arbre, le décorer…
- Il faudra du houx, du gui, et plein de choses brillantes, dit Mick en passant sa tête dans l’ouverture de la porte ! Cela va être follement amusant. Tes yeux brillent, Claude, ajouta le garçon en riant… Qu’as-tu ?
- Cette année, m’a écrit maman, nous allons tout faire nous même. Demain, nous irons dans notre bois couper le sapin, puis nous cueillerons le houx et le gui, il y en a dans le pommier du jardin !
- Et nous irons au grenier chercher les cheveux d’ange, les boules, les guirlandes…
- Que dites-vous, demanda François qui arrivait seulement. Vous avez la langue bien pendue ! Vous préparez une expédition ?
- Oh ! non, s’esclaffa Annie, nous parlions seulement des réjouissances qui nous attendent ! Tu ne seras pas le dernier à y prendre part, je crois ?
- Non, Noël est ma fête préférée… J’aime tellement cette période de l’année. La neige, le vent, les longues nuits et les jours…
- si courts, se moqua Annie.
Tout le monde éclata de rire.
Ce premier soir à la Villa des mouettes se passa agréablement. On passa après manger dans le salon, qu’une faible lampe éclairait. Un feu de bois brûlait dans la cheminée, et Dagobert, comme tous les chiens, s’était mis tout près de l’âtre . On parlait du collège, des vacances, de la fête qui se préparait. Dans un coin, des paquets étaient déjà entassés, mais les enfants n’en parlaient pas.
L’oncle Henri annonça que les jours à venir seraient toujours aussi froids, et que la neige tomberait.
- Pourrons nous quand même aller au bois pour couper l’arbre de Noël, demanda Claude ? Nous en avons tellement envie !
- Mais oui, dit tante Cécile ! Vous mettrez vos manteaux, vos capuchons, et vous enfilerez des bottes
fourrées. Cela ira très bien comme cela. Vous choisirez un arbre comme il faut, pas trop grand, dans le petit Bois des Bûcherons, tu sais Claude, près de la cabane en bois !
Claude connaissait bien ce bois situé entre la route et la lande, ou poussaient des bruyères, des sapins, des feuillus, et qui était touffu et encombré de taillis. Il était situé dans une dépression du terrain, et on ne le voyait pas de la maison, ni de la route.
- C’est une belle promenade, dit Claude à ses cousins. Une bonne trotte quand même, je vous préviens. Dagobert sera content, il aura tout le temps de jouer dans la neige.
- Et nous aussi, dirent Mick et François, gare aux boules de neige, les filles…
- Gare à toi aussi, riposta Claude en riant ! Annie, nous nous défendrons comme des tigresses, et les garçons n’auront qu’à faire attention.
Tout le monde rit de ces propos belliqueux, et on monta pour se coucher.
Par la fenêtre, Annie regarda au dehors, dans la nuit noire.
- Viens donc te coucher, lui dit Claude, tu te gèles pour rien ! On ne peut rien voir !
- Mais si, protesta Annie… Tu vois, l’oncle Henri ne s’est pas trompé ! La neige retombe. Elle tourbillonne ! Quelle épaisseur il y aura demain !
- Très bien . Laisse la neige tomber, et couche-toi.
Annie murmura quelque chose contre sa cousine qui la houspillait, puis se glissa sous la couette de plume de son lit avec satisfaction.
Le lendemain, en effet, une bonne couche de neige recouvrait la campagne
- C’est après demain Noël, dit tante Cécile, tandis que les enfants finissaient de déjeuner. Préparez vous, car nous allons en ville ce matin. Nous pouvons encore prendre le petit train. Demain, il y aura peut-être trop de neige !
- Les fermes des collines sont déjà bloquée, dit l’oncle henri. Et on annonce encore des chutes de neige, et du vent !
- Quel beau Noël blanc, dit Claude, vite Annie, enfile ton manteau, vous venez, les garçons ?
A la ville tout était merveilleux. Des sapins se dressaient partout, ornés de scintillantes guirlandes dorées ou
argentées. Les vitrines étaient remplies de jouets et de jeux. Aux vitrines des pâtisseries, de superbes gâteaux étaient décorés de lutins, de houx, de haches et de petits arbres.
- Je pars de mon côté, dit tante Cécile, faites vos achats, amusez-vous, nous nous retrouverons devant cette pâtisserie pour boire un chocolat et manger quelques gâteaux.
- Quel merveilleux programme, dit Annie. A toute à l’heure, tante Cécile, venez, vous autres, allons faire nos courses.
Les enfants firent leurs petits achats secrètement, car ils s’offraient tous de menues surprises, et n’oublièrent personne, ni Maria, ni Dagobert.
Maria avait préparé un pot-au-feu, plat d’hiver réconfortant, que les enfants avalèrent sans rechigner.
- Montons nos paquets dans nos chambres, proposa François, Oh, Claude, que caches-tu derrière ton dos, est-ce mon cadeau ?
N’essaie pas de deviner, protesta la fillette, c’est une surprise ! Vite Annie, dépêchons nous avant que les garçons déchirent les papiers et
regardent les cartes…
Tout le monde rit très fort, et Dagobert aboya de toutes ses forces.
D’en bas, on entendit une porte s’ouvrir brutalement, et une voix irritée cria :
- Est-ce que ce chahut va bientôt cesser, je travaille moi !
C’était l’oncle Henri, qui, une fois de plus ne comprenait pas l’excitation des enfants.
Tante Cécile crut bon d’intervenir :
- Calme toi, Henri, les enfants vont sortir. Ils vont aller au bois couper le sapin ! N’est-ce pas, les enfants ?
- Oui, maman, hurla Claude, tandis que son père claquait la porte de son bureau.
- Oui, tante Cécile, dirent les trois autres plus calmement.
Annie passa un panier à son bras. François prit une hachette, tandis que Claude se munissait d’une corde.
- Pour attacher les branches, dit la fillette.
Ils prirent un sentier où la neige recouvrait presque les bottes. Dagobert s’enfonçait jusqu’au ventre, faisait des bonds, et semblait beaucoup s’amuser. Les arbres frissonnaient, des paquets de neige molle tombaient des branches.
Prenons le sentier de la cabane, dit Claude, il y a de beaux sapins par là. Nous en profiterons pour la regarder, cela doit être beau, sous la neige une petite cabane.
- Pas une trace de pas, fit remarquer Annie… Comme c’est beau, ce bois. Tu nous avais caché ce trésor, Claude ?
- Ma foi, nous sommes tout le temps si occupés, pendant nos vacances ! Je n’ai jamais pensé à vous montrer ce bois, ni la cabane des bûcherons ! Tout cela dépend de la ferme de Kernach.
- Tu en as, de la chance, dit Mick pour la centième fois ! Une belle maison, une île, une ferme… un gentil chien !
- Et des cousins formidables, coupa Claude, et une cousine aussi, Annie…Ah ! Voilà la cabane !
Dans une clairière resserrée, une solide cabane de rondins parut, couverte de neige, comme une maison de carte de Noël. Les enfants s’approchèrent.
- La porte n’est pas fermée, remarqua François. Pouvons nous entrer, Claude ?
Sans répondre, la fillette poussa la porte, maintenue seulement par un battant de bois.
- On ne l’utilise guère, dit Claude. Il n’y a rien qu’une paillasse, un vieux bahut vide, ou presque, une table et deux chaises. Elle sert parfois aux bûcherons, lorsqu’ils restent plusieurs jours ici.
- Et un mignon poêle, continua Annie ! Oh ! Comme j’aimerais l’allumer !
- Nous n’avons pas le temps, dit François la nuit va vite tomber, et nous devons couper notre sapin. Venez tous, ajouta le garçon, sinon Annie va nous faire passer les fêtes de Noël ici !
- Moi cela ne me déplairait pas, soupira Claude, qui avait l’âme aventureuse, mais tout de même, pas pour Noël !
François referma la porte et assujettit le battant de bois.
-Il faudrait tout de même poser une chaîne ou un cadenas, dit-il à sa cousine.
Claude les emmena un peu plus loin, ou un espace déboisé dix ans auparavant était occupé par de jeunes sapins.
- Qu’ils sont beaux, dit Annie, lequel allons nous prendre ?
Il se mirent d’accord sur un arbre bien droit, plus grand que François, aux belle branches touffues.
Mick l’attaqua avec la hachette, et bientôt, il s’écroula dans un chuchotement. Claude aplatit les branches et les serra de sa corde.
Comme une escorte du père Noël, ils repartirent en traînant l’arbre dans la neige.
François cueillit quelques branches de houx garnies de boules rouge, et Claude promit de grimper dans le pommier du jardin pour couper du gui.
La petite troupe avait belle allure quand elle franchit la grille de la Villa des Mouettes.
Les enfants secouèrent leurs bottes, posèrent leurs manteaux, tandis que Maria secouait le sapin. Puis elle accompagna les enfants au salon, ou on devait le dresser.
Que la soirée fut belle. Les enfants émerveillés se passaient les anges, les boules, les petites bougies de couleur, la ouate blanche et les étoiles dorées. Tante Cécile avait habillé le pied de l’arbre avec du papier imitant le rocher. Maria passait parfois avec une assiette de biscuits dorés et croustillants, et même l’oncle Henri souriait en passant au salon.
- Mon dieu, que je suis fatiguée, dit Annie, je vais m’endormir facilement, je baille déjà !
- Moi aussi, reconnut Mick, mais nous avons eu une belle journée… Je vais me coucher, dit-il à dix heures ! Qui m’aime me suive !
Le lendemain, le temps se gâta. Le vent se renforça et la neige se remit à tomber. C’était la veille de Noël, et ce soir, ce serait le réveillon, et la soirée serait toute entière consacrée à la fête.
La neige tombait encore doucement, et parfois même, le temps se dégageait. Les enfants jouaient dans la maison, essayant de refréner leur ardeur, qui se serait manifestée par des cris bruyants.
Tante Cécile les envoya au grenier, où ils seraient plus loin de l’oncle Henri, et où elle savait qu’ils s’amuseraient. Ils imaginèrent que le grenier était un bateau perdu dans la tourmente, et tandis que Claude scrutait la mer, Annie regardait par une petite fenêtre donnant sur la lande.
- Oh ! dit soudain la fillette, une fumée dans le bois…
Quittant son poste, Claude s’approcha.
- On ne voit pas le bois de la maison dit-elle ! Pousse-toi !
Elle essuya la vitre avec son mouchoir, et regarda à son tour.
- mais c’est vrai, Annie ! Je ne me serais pas doutée qu’on voyait le bois d’ici ! C’est parce-que nous sommes au grenier ! Qui peut bien faire du feu là bas !
Tous les enfants s’étaient approchés de la fenêtre, et discutaient avidement.
- C’est sûrement dans la cabane, dit Mick ! Il y a quelqu’un là bas !
- Par ce temps, dit François, c’est curieux !
- Irons-nous voir demanda Claude ? C’est un mystère …
- le soir de Noël, protesta Annie !
- Nous irons en début d’après midi, décida François, et silence, gardons le secret, n’est-ce pas Annie ?
- Bon, ça va, je tiendrai ma langue, promit Annie… Enfin, j’essaierai !
Les enfants continuèrent à jouer jusqu’à midi, mais la petite fumée qui montait toujours au cœur du bois les distrayait trop de leur jeu, et ils attendirent le dîner avec impatience.
Était-ce l’aventure qui montrait le bout de son nez ?
Pendant le repas, les enfants songeaient à Noël si proche, et à cette mystérieuse fumée aperçue du grenier. Mais il ne fut pas possible d’en parler. Annie tint sa langue, et le repas s’acheva enfin.
Comme il l’avait annoncé, l’oncle Henri n’avait pas l’intention de travailler cet après midi là, ni le lendemain, jour de Noël.
On craignit qu’il ne manifesta son intention de rester avec les enfants, mais tous respirèrent lorsqu’il prit un livre, et s’installa dans un fauteuil.
- Qu’allez-vous faire, leur demanda t-il ? Ne dérangez pas Maria, en tous les cas ! Elle a assez de travail comme cela, avec tous les bons plats qu’elle cuisine.
- Nous pensions profiter encore de la neige, dit Claude, c’est tellement agréable.
- Bien, alors faites vite, et n’allez pas trop loin, le vent forcit, et on annonce encore à la radio de fortes chutes de neige !
- Il se pourrait bien que les routes soient impraticables demain, ajouta tante Cécile. Soyez prudents, et ne rentrez pas trop tard.
- Nous mettons nos manteaux, nos bottes, et nos gants, dit Annie. A tout à l’heure, tante Cécile.
Tout en faisant route, les enfants remarquèrent que le ciel se plombait, le ciel était bas, et de lourds flocons tourbillonnaient, changeant de sens sous les coups du vent.
- Diable, dit François, nous avons bien fait de partir de bonne
heure, la marche est plus difficile qu’hier.
- Même ce brave Dago a du mal à avancer, dit Claude. Regardez comme la neige s’accumule dans les fossés.
- Avançons aussi vite que nous pouvons, dit Mick, qui sait ce que nous allons découvrir là bas.
On descendait légèrement, et l’on était maintenant entre les arbres. Le vent était moins fort. Dagobert avait cessé de gambader, et marchait sagement dans les pieds de Claude.
Le décors était splendide, et malgré le mystère qui les étonnait, les cinq avaient les yeux grands ouverts, car Dagobert aussi jouissait de la neige, cette chose étonnante, impalpable, qui lui tombait parfois sur le museau. On évoqua le mystère de la fumée.
Était-elle encore visible, ou avait-elle disparu ? Qui avait allumé un feu dans cette cabane perdues dans les bois, au lieu de rester sagement chez lui, assis devant la cheminée ?
- Si je me repaire bien, dit François, nous approchons de la cabane. Avançons prudemment. Dagobert nous signalera un danger, s’il y en a un.
- je crois que nous ne trouverons personne, dit finalement Claude. Quelqu’un se sera réfugié dans la cabane pour faire un feu, et sera reparti. Un maraudeur, un vagabond.
- Alors nous vérifierons que tout est bien éteint, et que tout est en ordre, et nous refermeront soigneusement la porte.
- regardez, dit Mick, le ciel est encore plus bas. Ce qu’il fait sombre.
Les enfants avançaient silencieusement, on n’entendait que le bruit de la neige pressée sous les pas. On arriva bientôt dans la clairière, mais le jour était si faible, qu’on y voyait guère. La fumée s’échappait toujours du tuyau du petit poêle, mais Dagobert ne manifestait aucun signe de crainte.
- Approchons dit François.
Il y avait deux petites fenêtres, masquées par de vieux rideaux. Et une lueur tremblotante éclairait la pièce.
- La lueur du poêle, murmura Claude.
Les cinq s’approchèrent encore, et François mit son visage contre le carreau.
- Il y a une bougie allumée, souffla le garçon… Et le poêle rougeoie. Mais je ne vois personne.
- Laisses moi voir, dit Claude en poussant son cousin, j’ai de meilleurs yeux que toi. Non, je ne vois personne…
Les enfants reculèrent, et François dit :
- Dagobert n’a pas l’air inquiet. Regardez, il s’approche de la porte et gratte doucement.
- Alors entrons, dit Claude.
-Attends encore un peu, lui dit Mick, laisse-moi le temps de faire le tour de la cabane.
- je viens avec toi ! jeta Claude.
En se baissant, ils contournèrent la cabane. Après quelque mètres, à l’abri d’un arbre, Annie trouva des traces de pas.
- c’est quelqu’un qui a des petits pieds, dit Mick. Une chance que ces traces soient sous cet arbres, sinon, la neige les aurait effacées.
De retours devant la porte, on décida d’entrer.
Aussitôt, Dagobert se précipita vers le lit rustique, la « paillasse », comme avait dit Claude. Un enfant était endormi. Près de lui, posée sur une chaise brûlait une bougie. Le poêle rougeoyait encore, mais ne tarderait pas à s’éteindre. Un gros sac de voyage était posé à terre.
- Qui est-ce murmura Annie ?
Les enfants hésitèrent un instant. Puis François s’approcha de l’enfant, et lui secoua doucement l’épaule.
Il se retourna lentement.
- Oh ! qu’est-ce que…
- Ne crains rien, le rassura François, nous ne sommes que des enfants… Nous t’avons découvert par hasard…
Le garçon pouvait avoir 9 ou 10 ans. C’était un blondinet à l’air
éveillé, qui se frottait les yeux en baillant.
- Tu t’es perdu, demanda François, que fais-tu là ? C’est une surprise pour nous de trouver un enfant endormi dans cette cabane, loin de tout, la veille de Noël !
- Racontes-nous ton aventure, dit Annie gentiment.
Et le garçon raconta.
Il avait quitté son collège la veille. Un car ramenait les enfants chez eux. Le petit Michel, -c’était le nom de l’enfant- descendait le dernier, car il habitait une ferme perdue dans les collines, éloignée de tout. D’habitude, ses parents venaient le chercher au croisement. Mais la tempête de neige avait rendu certaines route impraticables, et le car, équipé de chaînes, avait du mal à rouler.
- Le chauffeur m’a laissé sur la route bien avant le croisement, car il ne pouvait monter la côte. La neige tombait fort, brouillant le paysage, et je me suis perdu…ajouta Michel. J’ai enfilé des chemins et des chemins , sans me reconnaître.
- tu as du avoir peur, dit Annie ?
- Je commençais à être fatigué, et je ne reconnaissais toujours pas le paysage. Enfin, je suis arrivé dans ce bois. Mais je ne savais plus du tout où j’étais.
- Tu as du être bien content de trouver cet abri, dit Claude ?
-Oh ! oui ! Il faisait froid, j’étais mouillé… J’ai vu ce poêle, et un petit tas de bois, alors j’ai fait du feu, puis je me suis allongé sur le lit, et je me suis endormi.
Le garçon avait l’air intelligent et agréable.
- Annie, coupa François, regarde si tu ne trouves pas quelque chose de chaud à boire.
- Et moi, je remets des bûches dans le poêle, dit Mick.
- Mes parents doivent s’inquiéter, dit Michel… Pourquoi ne sont-ils pas venus me chercher ?
-Tu sais, dit François, beaucoup de routes sont encombrées de neiges. Ils n’ont pas pu, ou bien ils sont arrivés trop tard !
- Nous allons te ramener chez nous, dit Claude ! Papa préviendra tes parents.
Elle trouvait l’enfant très sympathique, et Dagobert le léchait et mettait son museau dans ses mains.
Le poêle ronflait, et Annie avait trouvé un bocal contenant encore du thé, et quelques pierres de sucre un peu humides.
- Tu as beaucoup dormi, remarqua Mick.
- J’ai dormi jusqu’au milieu de la nuit. Puis je me suis réveillé… La neige tombait encore, et je ne savais pas de quel côté aller. Et puis, je n’avais rien à manger ! Juste un paquet de biscuits dans mon sac.
- Heureusement, dit Claude, Annie a vu cette fumée dans le bois. Sinon, nous ne t’aurions pas trouvé aujourd’hui !
Annie servit le thé et chacun but de petites gorgées réconfortantes.
- Bien, dit François, Il faut partir, maintenant. Il obligea l’enfant à glisser de vieux journaux sous sa veste, pour le protéger du froid.
- Entendez vous le vent, je crois bien que c’est la tempête de neige annoncée. Pressons-nous.
On éteignit le poêle, et Mick referma la porte, et la bloqua avec une planche, pour que le vent ne puisse pas l’ouvrir.
Et l’on se mit en route.
- Regardez, dit Claude, comme le chemin commence à disparaître, marchons vite, maman doit être inquiète.
On hâta le pas.
Le petit groupe était tout blanc, lorsqu’il arriva à la Villa des Mouettes.
Tante Cécile, qui attendait anxieusement sa petite troupe, fut bien surprise de découvrir un cinquième enfant.
Maria, L’oncle Henri, les enfants, le chien, tout le monde s’exprima en même temps. Ce fut un beau chahut !
Enfin quand on se fut expliqué, Maria emmena Michel à la cuisine, ou elle lui confectionna un bon petit déjeuner, car l’enfant était affamé. L’oncle Henri téléphona au parents du petit garçon.
Entouré de tous, il était aux anges. Il reprenait des couleurs, et souriait à son entourage.
- Tes parents n’ont pas pu quitter leur ferme, expliqua l’oncle Henri. Et le téléphone était coupé ! Il re- fonctionne, maintenant, et ton père allait alerter la gendarmerie, juste quand il a reçu mon appel. Quel joie pour lui. Ta mère est rassurée ! Mais tu vas rester avec nous ce soir, pour Noël, car c’est la tempête, et nous allons tous être bloqués par les congères.
- Hip ! hip ! hip ! hourra ! hurla Claude, c’est notre visiteur de Noël.
Tout le monde applaudit, même l’oncle Henri.
Les cinq entraînèrent Michel près du sapin, et les enfants, surexcités, parlèrent de Noël, des cadeaux, du bon repas qui se préparait dans la cuisine. Mick, Claude, Annie et François s’étaient concertés, et chacun choisi un de ses cadeaux pour l’enfant. Dagobert, lui, offrait son amitié au petit garçon, qui le serrait dans ses bras.
La soirée fut merveilleuse. On alluma les guirlandes du sapin. Derrière l’arbre, la cheminée jetait de doux éclats de lumière. Une énorme dinde, entourée de marrons, merveilleusement cuisinée par Maria trônait sur la table, tandis que l’on croquait des amuses-gueules. Un gâteau doré attendait sur la desserte. Des bonbons de toutes sortes étaient disposés dans des coupes.
Et au pied du sapin, des paquets multicolores étaient entassés.
Tout le monde était au petits soins pour Michel, et l’enfants admirait le club des cinq, qui lui racontait ses merveilleuses aventures.
- C’est un gentil garçon, dit Claude à Annie, en montant l’escalier tard dans la soirée. J’espère que nous le reverrons. Tiens, Michel, tu vas avec les garçons, Maria t’a dressé un lit dans leur chambre !
- Merci, merci, dit Michel, vous êtes formidables, quelle chance de vous avoir rencontrés. Je
crois que nous nous amuserons bien, tous ensemble !
Serge 2002
|