Lettre
d'Enid Blyton
Cette
lettre est extraite de
" 66 aventures - Club des cinq - Clan des sept - Oui-Oui et Cie"
par Enid Blyton
Les beaux livres Hachette
Lettre
d'Enid Blyton
Mes
chers enfants, Des milliers d'entre vous m'écrivent chaque année.
Pourtant, il m'est impossible, hélas! de répondre à chacune de vos
lettres. Mais l'occasion s'offre à moi de vous adresser par ce livre une
lettre personnelle et de vous remercier de toutes les lettres intéressantes,
amusantes et affectueuses que vous m'envoyez toutes les semaines.
Vous
êtes non seulement mes lecteurs, mais aussi mes amis.
Que
je vous parle un peu de ce nouveau livre. Les éditeurs croient en avoir eu
l'idée. Ils se trompent! Vous y avez songé bien avant eux, et depuis
longtemps! Ce livre s'appelle une Anthologie, c'est à dire un recueil de
toutes sortes d'écrits, poésies, contes, histoires. Vous ne
l'appeliez pas une Anthologie, mais vous lui donniez des titres variés. Un
des meilleurs me fut adressé par une fillette de douze ans :
« Un livre plongeon, Mademoiselle, où se trouveraient tous les
personnages que nous connaissons, si bien que nous pourrions ouvrir le livre
à n'importe quelle page, et y faire un petit plongeon. Nous reverrions le
Club des Cinq, Kiki le perroquet, Toufou, Fatty, et tant d'autres. »
Un adolescent me parlait d'un livre du Souvenir : « J'aimerais un livre,
mais un gros, qui me rappellerait tous ceux que j'ai aimés. »
Eh bien, le voici! Je n'ai pu y introduire tous les personnages qui vous
sont si familiers, mais j'ai essayé de choisir ceux que vous préférez.
Dans
vos milliers de lettres, la même question m'est sans cesse posée : «
Comment avez-vous commencé à écrire, Mademoiselle, et pourquoi avez-vous
décidé d'écrire pour les enfants? Comment imaginez-vous vos personnages?
Sont-ils réels? Où se trouve l'île de Kernack? Kiki est-il un vrai
perroquet? Où vivent les Cinq? Que j'aimerais connaître Claude! »
Et ainsi de suite. Presque chacun de mes livres me vaut un questionnaire.
Ses personnages vous semblent aussi réels qu'à moi-même lorsque je le
compose. Je vais maintenant pouvoir répondre à quelques-unes de vos
questions.
J'ai
commencé à écrire parce que rien ne me plaisait autant, et parce que je
possède ce que doit avoir tout vrai conteur d'histoires : de l'imagination.
Je ne suis jamais plus heureuse que lorsque je raconte une histoire, une
histoire avec de nombreux personnages qui paraissent vivants, une histoire
toute pleine d'incidents passionnants, de drôleries, de mystères et
d'aventures que je partage avec mes personnages. J'ai même l'impression d'être
l'un d'eux, de voir ce qu'ils voient, d'éprouver leurs sentiments les plus
intimes. Tous les conteurs vous en diront autant.
Les
gens nés conteurs ont bien de la chance! Ils n'ont pas besoin de faire de
plans. Leurs personnages jaillissent de leur cerveau, vivants et vrais,
menant une vie toute personnelle, que l'auteur peut observer comme s'il
voyait un film sur un écran de cinéma.
Vous
me dites parfois : « Comment commencez-vous une histoire, Mademoiselle? La
voyez-vous tout de suite en son entier? »
Non! Je ferme mes yeux de chair, et je regarde avec l' oeil de
l'esprit. Presque tout de suite, j'aperçois mes personnages, aussi
nettement que je pourrais vous voir!
Quelques-uns
de mes personnages ne sont pas complètement imaginaires, mais m'ont été
inspirés par des gens qui m'ont fait impression. Claudine, par exemple, le
garçon manqué qui s'appelle Claude dans les livres des " Cinq "
et qui possède un chien, Dagobert, elle est vraie! Elle désirait passionnément
être un garçon et se conduisait comme tel. Un jour, elle apparut soudain
dans le premier livre des " Cinq ". La véritable Claudine était
devenue une Claude imaginaire! Fatty dans les livres de la série "
Mystères ", a pour origine un petit garçon dodu, ingénieux ;et très
amusant que j'ai connu autrefois. Kiki, le perroquet, était un vrai
perroquet qui disait des choses ridicules, tout comme celui du livre.
La
plupart des animaux de mes histoires sont en partie réels; je les ai connu
et aimés. Je n'introduis pas cependant délibérément ces enfants ou ces bêtes
dans mes histoires. Je ne dis pas : « Oh! je me servirai de ce garçon
si amusant dans mon prochain livre! » Il apparaîtra probablement dans l'un
d'eux le jour où je n'y penserai pas et je me dirai : « Eh! bien,
voici ce garçon que j'ai vu au bord de la mer, il y a deux ans, et qui
avait des oreilles décollées! » Ou peut-être un singe comique fera
irruption dans une histoire que je serai en train d'écrire. Je m'arrêterai
et m'exclamerai : « Mon petit singe, je vous ai vu il y a bien
longtemps avec le joueur d'orgue de barbarie! Vous étiez assis sur
l'instrument; votre queue affectueusement enroulée autour du cou de votre
maître, vous lui chuchotiez à l'oreille. Et maintenant vous voici,
grandeur nature! Et je vous avais oublié! Vous vous étiez caché jusqu'à
aujourd'hui dans un coin de ma mémoire! »
En
été, j'écris surtout au jardin, ma machine à écrire sur les genoux. Je
regarde les poissons rouges sauter dans mes étangs. Ils sont si apprivoisés
qu'ils mangent dans ma main et viennent même la caresser quand je n'ai pas
de nourriture pour eux. Mes deux chats m'accompagnent, et touchent l'eau de
la patte et la secouent, dégoûtés de la savoir humide! Ils sont avec moi,
à l'heure présente, gravement étendus, regardant mes doigts actifs. Ah!
l'un vient de faire un bond! Il poursuit un papillon. Maintenant, ils
viennent de rentrer à la maison, et les oiseaux du jardin vont recommencer
à voler. Nous en avons tant ici, de toutes sortes, même des martins-pêcheurs
et un héron aux longues pattes, qui vient parfois de bonne heure, à la rosée,
attraper mes poissons rouges!
Le martin-pêcheur en prend aussi, mais de minuscules. Je sais quand le héron
est près de l'étang, car il m'éveille en disant : «
Cronc! Cronc! »
Les
oiseaux construisent des nids partout dans mon jardin, en dépit des chats.
Merles, grives, pinsons, mésanges bleues se logent dans les abris
construits pour eux. Mésanges charbonnières, moineaux-friquets,
gobe-mouches, que d'oiseaux je vois lorsque je les nourris le matin! La
sittelle vient chercher des noisettes sur les coudriers et le grimpereau des
bois ne cesse de monter et descendre les troncs et d'en faire le tour. Je
pourrais écrire un livre entier sur mes petits visiteurs couverts de
plumes, de poils ou d'épines (tel le hérisson qui paraît toutes les
nuits). Ils vivent d'une vie secrète et heureuse dans le jardin des Haies
Vertes. Voici une bien longue lettre! Mais j'ai pensé que vous seriez
contents de connaître cette Anthologie et son auteur, tout comme je suis
heureuse de vous connaître. Nombre d'extraits vous seront familiers
puisqu'ils sont en grande partie tirés de livres que vous avez lus.
Certaines pages, cependant, sont inédites. Si vous désirez savoir de quels
livres proviennent les histoires de cette Anthologie, vous trouverez la
liste de mes ouvrages à la fin de ce volume. J'espère que ce recueil vous
procurera autant de joie que j'en ai eu à le composer. Et si vous désirez
que j'écrive un nouveau roman sur un sujet qui vous tient à coeur,
dites-le-moi!
Avec
toute mon affection et mes meilleurs voeux.
Sources:
" 66 aventures - Club des cinq - Clan des sept - Oui-Oui et Cie" par
Enid Blyton
Les beaux livres Hachette
© Enid
Blyton 1934-1961
© Golden Pleasure Books
Ltd, 1961 pour l'illustration, le choix des textes et la présentation de cette
anthologie.
© Librairie Hachette,
1963, pour le texte de l'édition en langue française.
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