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Enid Blyton, l' éternelle enfant


« Elle était une enfant, elle pensait comme un enfant et elle écrivait comme une enfant… »
« She was a child, she thought as a child and she wrote as a child… »

Mickael Woods

Extraits du mémoire d' Amélie Méllier
 

 

Sa façon d'écrire

 

Enid Blyton était un auteur ancré dans ses habitudes, voire dans ses rituels. Toute sa vie, comme celle de sa maison, était organisée autour de son travail et rien ne l’irritait plus que d’être sortie de sa routine. Même le temps qu’elle accordait à ses filles était calculé et routinier.

Elle commença à écrire à la machine à écrire, après d’importantes réticences, en 1927, et elle dut reconnaître que cela lui permit d’accélérer son rythme puisque à la fin de cette année elle était capable d’écrire dans son journal : « Travaillé jusqu’à 16 h 30 et écrit 6 000 mots - un record pour moi. » A partir de ce moment elle écrivait avec sa machine sur les genoux, l’hiver à l’intérieur près du feu et l’été dans son jardin sur sa balancelle.

Cet auteur prolifique, une fois habituée à sa machine à écrire, tapait en moyenne 10 000 mots par jour et réussissait à écrire un livre par semaine en plus de ses rubriques pour ses magazines. Elle expliquait cette rapidité en disant qu’elle n’avait pas à réfléchir longtemps pour trouver la trame de ses histoires. Elle disait visionner ses personnages et les voir s’animer dans son esprit comme si elle avait un cinéma dans sa tête ; « ma main se pose sur les touches de ma machine à écrire… l’histoire se déroule sous l’œil de mon esprit presque comme si j’avais un cinéma privé là-haut. » Ainsi l’histoire et les personnages prenaient vie dans sa tête sans qu’elle ait l’impression de les contrôler. Enid Blyton disait que cela avait commencé lorsqu’elle était enfant et qu’elle s’enfermait dans son monde imaginaire.

Certains critiques et autres journalistes avaient profité de cette révélation faite au jeune psychanalyste Peter McKellar pour dire qu’elle écrivait en transe. Cependant l’étude de ses personnages explique ce cinéma privé de façon plus rationnelle. En effet certains de ses personnages sont inspirés, consciemment ou non, de personnes rencontrées au cours de sa vie. C’est le cas de Bill Cunnigham, alias Smug, qui apparaît dans les huit ouvrages de la série Aventures sous le personnage de Macmillan. Enid avait rencontré cet homme qu’elle avait trouvé amusant dans un hôtel et s’était moquée de lui quand il lui avait suggéré de le mettre dans un de ses livres. C’est seulement après avoir écrit le premier volet, The Island of adventure, qu’elle le reconnut. Il en va de même pour Stephen Jenning, un inspecteur de police qui lui fut présenté par son premier mari, Hugh Pollock, qui devint non seulement le célèbre inspecteur Jenk de la série Mystère mais qui fut son conseiller sur certaines intrigues et sur les procédures de police. Ainsi on pourrait dire que ce cinéma est plus une manifestation de son inconscient qu’une sorte de transe.

Sa façon d’écrire et son succès auprès de ses jeunes lecteurs furent parfaitement résumés par le psychologue Mickael Woods : « Elle était une enfant, elle pensait comme un enfant et elle écrivait comme une enfant… »

 

Les liens qui l’unissent à sa littérature.

 

 

On a vu que la littérature, en particulier l’écriture, avait été, depuis son enfance, un moyen pour Enid Blyton de fuir ses problèmes de se réfugier dans un monde de rêves. C’est quelque chose qu’elle perpétua toute sa vie. Quand ses parents moururent, par exemple, elle prétexta avoir trop de travail pour se rendre aux funérailles. Quand son premier mari, Hugh, tomba malade et fut hospitalisé, elle réagit de la même façon et écrivit encore plus qu’à l’accoutumé.

On peut également remarquer dans ses travaux, essentiellement dans ses articles, qu’elle y embellissait sa vie. Elle y parlait en effet de l’atmosphère de paix qui régnait dans sa maison, alors que ses domestiques se souviennent d’elle comme d’une patronne presque despotique qui ne supportait pas d’être dérangée par le moindre bruit et qui n’acceptait pas que ses employés fussent malades. De même qu’elle expliquait comment éduquer les enfants, disait aux parents que les enfants avaient besoin de leur présence et que c’était le plus important, alors qu’elle-même n’accordait le plus souvent qu’une heure par jour à ses filles. Imogène, la plus jeune se rappelle de sa mère comme d’une mère absente et trop occupée par son travail. Dans A childhood at Green Hedges, Imogène dépeint le portrait d’une mère négligente. « Ironiquement, il semblerait que la femme qui ouvrit ses bras aux enfants du monde entier et leur offrit son amour était trop occupée pour s’autoriser le temps d’un baiser ou d’un câlin à sa plus jeune fille. » De plus, celle qui dépeignait des familles unies et des enfants heureux pour se créer un modèle différent de sa propre famille, avait elle-même divorcé et empêché ses enfants de revoir leur père. Elle reproduisait sur ses propres enfants ce qui l’avait tant fait souffrir dans son enfance.

C’est Enid Blyton elle-même qui donna la meilleure définition du lien qui l’unissait à sa littérature. Peu après la mort de son mari Kenneth Darrel Waters, alors que la maladie d’Alzeihmer l’avait frappée, elle répondit à un de ses amis qui lui dit pour la réconforter qu’elle avait deux grands enfants bien à elle :

« Des enfants ? (…) Elle ouvrit grand ses bras, à demi tournée comme pour embrasser les étagères de livres sur le mur près d’elle. Ce sont eux mes enfants. »

 

Amélie Méllier

 


Sources :


Worked till 4.30 and did 6,000 words - a record for me.” In Barbara Stoney, Enid Blyton, the biography, Hodder Children’s Books

My hand go down on my typewriter key and I begin… The story is enacted in my mind’s eye almost as if I had a private cinema there.” In George Greenfield, Enid Blyton, Pocket BIOGRAPHIES

Children?” (…) She opened her arms wide,half turning as if to embrace the bookcases on the wall behind. “These are my children”. In George Greenfield, Enid Blyton, Pocket BIOGRAPHIES 

 

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