Interview d’Anthony
Buckeridge
et
Commentaires sur son oeuvre
Par
David Schutte
Anthony
Buckeridge à 80 ans
David Schutte a eu en été
1993 une entrevue avec l’écrivain pour enfants britannique Anthony
Buckeridge. Il a profité de l’occasion pour poser des questions à
l’auteur qui a créé les personnages immortels comme Bennett, Rex
Millagan et les Bligh…
Si
vous aviez eu la chance de visiter une librairie anglaise dans les années
50, vous auriez probablement constaté que seules les œuvres d’une poignée
d’auteurs de talent s’étalaient sur les étagères du secteur « jeunesse »
: celles d’Enid Blyton, de Richmal Crompton, de W. E. Johns et… d’Anthony
Buckeridge. Les enfants nés de leurs plumes respectives - le « Club
des cinq », William, Biggles et Bennett - étaient les héros d’après-guerre.
En ce temps-là, si vous vous souvenez bien, la télévision était un objet
extraordinaire encore dans son état embryonnaire. La popularité dont jouit
un écrivain contemporain n’arrivera pas à la cheville de celle de nos héros
de papier.
Les ouvrages de ce groupe d’auteurs prestigieux connaissent toujours du
succès auprès des jeunes générations. Et quoique, vers la fin des années
60, on lisait de moins en moins les livres de Blyton, de Crompton et de
Johns (la télévision étendait sa portée auprès des moins de 10 ans),
les ouvrages d’Anthony Buckeridge plaisaient aux enfants de l’époque. A
l’âge de 80 ans en 1992, cet auteur pour la jeunesse a plus de 6 millions
de livres vendus dans le monde entier à son actif. Aujourd’hui,
Buckeridge continue d’écrire en dépit de son âge mûr. En 1991, un
nouveau titre mettant en scène les exploits de Bennett a fait sa réapparition :
Jennings Again!
(non traduit en France). Actuellement, Buckeridge ne révise pas seulement
tous les titres précédemment parus pour une série de nouvelles éditions
brochées, mais il se consacre parallèlement à l’écriture d’une
nouvelle histoire.
L’écrivain habite une villa cossue perdue au milieu du Sussex de l’est,
à quelque distance de la bourgade de Glyndebourne, où il tient encore,
pour employer les termes de l’auteur, « de
petits rôles de rien du tout »
dans des pièces de théâtre. L’auteur poursuit :
« Il
fut un temps où je voulais devenir un grand acteur, mais j’ai changé de
filière. En fin de compte, ç’a été une bonne chose que je ne me sois
pas destiné au septième art, n’est-ce pas ? »
(Rires).
Anthony
Buckeridge est une crème d’homme qui est aimé et admiré de tous. Les
amateurs curieux en visite chez l’écrivain ne doutent pas que c’est un
auteur… à succès ! Dans son living-room meublé avec goût, on peut
admirer, accrochées aux murs, six belles images (dont une en couleur)
dessinées par Quentin Blake. Ces dessins étaient à l’origine destinés
à illustrer la jaquette du livre Typically Jennings!, mais qui, au dernier
moment, ont été rejetés par l’éditeur, au profit d’un dessin de Val
Brio. La BBC s’est ensuite servie des autres images en NB représentant
les illustrations des ouvrages de Bennett pour tourner la série télévisée
Jackanory. Le long des murs du palier du premier
étage se trouve une collection des œuvres complètes de l’auteur, toutes
en excellent état avec leurs reliures d’origine intactes.
Aux étages supérieurs, de nombreux exemplaires des éditions étrangères
sont rangés sur les étagères des bibliothèques. En anglais, Bennett s’appelle Jennings. En Allemagne, le collégien se nomme « Fredy », en Norvège
« Stompa ». Buckeridge travaille le plus souvent en compagnie de
sa femme, Eileen, dans un « antre » douillet donnant sur un
champ de blé. C’est un endroit calme à souhait, loin de l’agitation du
collège de Linbury que Buckeridge créa en l’honneur de Bennett il y a un
demi-siècle.
Bennett
au collège :
Où
donc ce fameux collège se trouve-t-il ? Pour avoir la réponse à
cette question, ouvrez le premier volume de la longue série de livres sur
les aventures de Bennett, intitulé « Bennett au collège ». La
première page du manuel de latin de Bennett porte cette inscription :
« “Si jamais ce livre ose se promener hors des murs du collège,
n’hésitez pas à lui flanquer une bonne raclée et expédiez-le à J.C.T.
Bennett, collège de Linbury, Dunhambury, Sussex, Angleterre, Europe, Hémisphère
nord, Terre (à côté de la Lune), Système solaire, Voie lactée, Espace.
“ » Cet extrait montre aussi à quel point Bennett et son créateur
ont l’un et l’autre l’esprit créatif.
Anthony
Buckeridge explique que le personnage de Bennett qu’il a créé a grandi
à mesure qu’il écrivait des histoires pour ses élèves, quand il
n’avait pas encore atteint la trentaine. (« Si
vous vous mettez au lit en moins de trente secondes, je vous raconterai une
histoire ».) « Il devait y avoir un héros » continue-t-il. « J’ai emprunté son nom à un élève répondant au
nom de Bennett qui était un “pas comme les autres“ ». A partir de
là, le personnage de mon héros se popularisait petit à petit. »
Le
collège de Linbury a servi de cadre aux aventures de Buckeridge qui a écrit
des histoires dont Jennings and the Poisonous Spider
(Bennett et l’araignée vénéneuse) et Jennings Joins the Search
Party (Bennett rejoint la battue). Le moment le plus drolatique de ce dernier
récit est celui où Bennett et Mortimer se joignent tranquillement à une
expédition de sauvetage envoyée à la recherche de… Bennett
et Mortimer !
Jennings and Darbishire
(1962) était le 4e volume dans la série. Les exemplaires de la
1ière édition en couverture pelliculée de van Abbé valent
aujourd’hui dans les 20 £.
Bennett
à la radio :
Tout
avait commencé pendant que la guerre battait son plein. Anthony Buckeridge
avait du temps libre « entre
les attaques aériennes et tout et tout ».
En même temps qu’il faisait son service militaire, il se mettait à écrire
des pièces qui étaient diffusées à la radio. « De mon temps, quand j’avais une vingtaine d’années, il
suffisait d’envoyer un manuscrit d’histoire à la BBC pour qu’elle réponde
« oui » ou « non », par retour du courrier, dans un
délai de quatre jours. Ces jours-ci, il leur faut un minimum de six mois
avant qu’ils n’accusent réception d’une simple missive ! »
Dans les années d’après-guerre, certaines pièces de Buckeridge étaient
montées et jouées pour les programmes passés à la télévision le
mercredi et le samedi matins. En fait, il avait à l’origine soumis son
premier projet de scénario de « Bennett », Jennings
Learns the Ropes, au département dramatique de la BBC. Mais celui-ci l’avait transmis
au directeur de production de Children’s Hour. A peine l’avait-il lu qu’il avait exigé que Buckeridge lui en
envoyât encore six, tellement le manuscrit lui avait plu ! Et cela,
avant même que le premier scénario ne fût diffusé !
La première pièce radiophonique de « Bennett » diffusée sur les
ondes a eu lieu le 16 octobre 1948. Les extraits ci-après, tirés de
« Bennett au collège », ont été les premières paroles
prononcées par les personnages de la série :
« Mettez-vous en
rang ! ordonna M. Carter, le professeur de service. Vous allez me donner vos
cartes d'identité, vos certificats médicaux, votre argent de poche et les
clefs de vos mallettes. »
L'ordre fut rapidement rétabli,
et M. Carter se mit à enregistrer ce que lui remettaient les élèves. Cela
n'allait généralement pas sans quelques difficultés. Cette fois, par
exemple, l'élève Morrison avait tendu sa carte d'identité en même temps
que son billet au contrôleur de la gare Victoria, et la carte avait été
poinçonnée ! Le père d'Atkins était parti pour son bureau en emportant
dans sa poche la clef de la malle de son fils. La mère de Briggs avait
perdu la fiche de santé de celui-ci, mais elle envoyait un mot à M. Carter
pour lui dire « tout va bien, n'est ce pas ? »… faisant probablement
confiance au regard d'aigle de M. Carter pour repérer tout microbe qui se
dissimulerait sur la personne de son fils.
«
Bon ! fit M. Carter. Au suivant !
—
C'est moi, m'sieur ! » dit une voix.
La
première rencontre de M. Carter avec Bennett n'eut rien de remarquable : un
professeur très affairé voyait arriver devant lui un jeune garçon fort
peu différent des douzaines d'autres élèves rangés près de la porte de
son bureau. Ses vêtements, ses chaussettes et sa cravate étaient conformes
au modèle réglementaire. Ses cheveux châtains, qui paraissaient ignorer
l'usage du peigne, ressemblaient beaucoup à ceux de ses camarades, et son
visage était à peu près du même type que ceux des autres garçons de sa
génération. Cette première rencontre apprit donc fort peu de choses à M.
Carter. Mais par la suite, il devait en apprendre long !
«
Ah ! un nouveau ! dit M. Carter. Comment vous appelez-vous ?
—
Bennett, m'sieur.
—
Oui, je vous ai là sur ma liste. J. C. T. Bennett, dix ans et huit mois.
C'est exact ?
—
Pas tout à
fait, m'sieur. Dix ans, huit mois et trois jours, mardi dernier.
(…) »
Le
rôle-titre de Bennett avait été incarné par David Page, celui de
Mortimer par Loris Somerville. Geoffrey Wincott avait joué le rôle de M.
Carter tandis que Wilfred Babbage avait tenu celui de M. Wilkinson. Bien que
ces derniers aient continué de jouer le rôle des deux professeurs jusque
vers la fin des années 60, ceux des jeunes héros ont été interprétés
par de différents acteurs à chaque fois. Ainsi, un certain Peter Asher qui
a été Bennett au début des années 70 a également fait Mortimer au
milieu de la même décennie.
Le temps passant, les premiers titres de « Bennett » obtenaient
un succès de plus en plus large. Aussi, Buckeridge a-t-il décidé d’écrire
deux livres « spéciaux » pour Request
Week en 1949 ainsi qu’une seconde série
de six pièces radiophoniques qui ont été diffusées au mois de décembre
1949. Dans le temps, Buckeridge travaillait toujours comme professeur à
plein temps et avait dû consacrer ses heures de loisir à l’écriture. « Je
n’écris pas très vite, m’a-t-il
confié. Il me fallait à
peu près deux semaines pour venir à bout d’une pièce de théâtre
d’une durée de 35 minutes. J’ai écrit la plupart des scénarios
pendant les grandes vacances. »
Une fois que Bennett était devenu célèbre
à la radio, son créateur s’était tourné vers les maisons d’édition
afin de pouvoir faire paraître ses histoires sous forme de papier…
seulement, il ne savait pas comment « s’y prendre ».
Cependant, il avait entendu parler de la société d’édition Collins et,
en 1949, il lui est venu l’idée de leur faire parvenir un scénario
qu’il avait autrefois envoyé à la BBC. Cela a plu à l’éditeur. Grâce
à la popularité de Bennett qui était désormais le « héros préféré »
des moins de 14 ans, Collins ne pouvait qu’y gagner.
Le
parcours d’écrivain de Buckeridge :
Le
premier titre dans la série de Bennett, Jennings Goes to School
(Bennett au collège) a été publié en 1950. Un an s’était à peine écoulé
que Buckeridge avait décidé d’abandonner sa carrière d’enseignant
pour se consacrer entièrement à l’écriture. Au cours des 11 années
suivantes, il n’a cessé d’écrire des histoires destinées à la radio.
Il les adaptait ensuite sous forme de livres.
Buckeridge dit qu’il avait toujours écrit à la main. Il y avait des fois
où il dictait son histoire à sa secrétaire qui la tapait ensuite à la
machine avant d’envoyer le manuscrit à l’éditeur. Un livre commencé,
il en avait généralement pour trois ou quatre mois.
Au total, Buckeridge a écrit 11 séries de pièces radiophoniques qui, en
comptant les titres « hors-série », ne font pas moins de 62 récits
dont les épisodes les plus récents ont été diffusés sur les ondes le 24
mars 1962. Certaines émissions étaient même radiodiffusées pendant
plusieurs mois, tellement elles plaisaient aux jeunes qui ne cessaient
d’en redemander. L’intrigue de tous les livres que Buckeridge avait écrits
à cette date était reprise des pièces qu’il avait contribuées à la
BBC. Mais jamais on ne remarquera qu’il y a un rapport entre les deux
parce que ç’a été fait avec adresse.
Les
histoires de Bennett sont pleines de situations cocasses : un incident
en déclenche un autre, cet autre un troisième, et ainsi de suite !
Chaque événement résulte de l’imagination fulgurante de Bennett qui est
toujours prêt à se lancer à corps perdu dans toutes les activités
extra-scolaires sans se soucier
le moins du monde des conséquences. Nous citerons le projet infortuné de
Mortimer qui se charge, à la place de Bennett, de porter une coupe en verre
taillé dans le panier d’osier d’une bicyclette à la selle tournante
(Bennett et la roue folle, 1975), les aventures du poisson rouge de Bromwich,
César, dans une théière (Bennett et sa cabane, 1970) ; le malentendu
de Briggs et de Morrison qui conduisent au sous-sol du collège un
inspecteur du Ministère de l’ Education nationale, alors qu’ils
croyaient recevoir la visite d’un inspecteur du gaz (Un ban pour Bennett !,
1963), sans parler de l’évasion d’une troupe de jeunes grenouilles
juste comme les invités arrivent au collège pour assister à la cérémonie
de la distribution des prix (Bennett et ses grenouilles, 1972).
Les
illustrations intérieures de Jennings Of Course (éd 1964), comme celles de
tous les livres « Jennings » publiés entre 1955 et 1970, sont
de Douglas Mays.
Buckeridge
se rendit vite compte que les mots et expressions argotiques de tous les
jours - surtout ceux de l’écolier - changeaient d’année en année.
C’est pourquoi il jugea utile d’inventer ses propres argots qui ne
vieilliront pas avec le temps.
Il ne se passa pas longtemps avant que le monde de Bennett ne devînt un
tourbillon d’expressions telles comme « un formidable record
olympique de ouin-ouin », « brrloum brrlloumpff »,
« ces petits sacripants », « hameçons fossilisés »,
« bande de monuments préhistoriques » ou encore « pots de
peinture pétrifiés ». D’autres phrases sont drôles au possible :
« espèce d’hippopotame à roulettes », « tout le monde sait
que tu joues au cricket comme une langouste qui serait gauchère des deux
pinces ! »…
Les six premiers livres de « Bennett » ne contenaient aucune
illustration intérieure, à l’exception des frontispices de S. van Abbé
qui a également dessiné les jaquettes. Toutefois, tous les tomes allant de
Our Friend Jennings (1955)
à The Jennings Report (1970) en
passant par Jennings Of Course (1964)
ont été illustrés par Douglas Mays, qui contribuait aussi les « planches »
pour la ‘belle page’, les frontispices en couleurs et les dessins en
noir et blanc. Les illustrations de couvertures et le frontispice du 20ième
titre Typically Jennings! (1971) sont
dus à Val Brio. Le
volume suivant, Speaking
of Jennings! (1973), avait une
couverture photographique. Les dessinateurs ont toutefois omis d’illustrer
les textes dans les deux livres dont il est question, sans doute à la
demande de l’éditeur.
En 1966, Collins a sorti A Bookful
of Jennings qui est une anthologie de
passages et d’extraits choisis de plusieurs volumes déjà parus dans la série
« Bennett ». Ce livre a été révisé et rebaptisé dans sa
plus récente version de 1972 sous le titre The Best of Jennings.
La
popularité des livres de « Bennett » est essentiellement due au
fait qu’ils ont constamment été réédités depuis leur parution en
1950. Aussi, est-il facile de trouver à bas prix (de 15 à 20 £) des plus
vieux exemplaires de « Bennett » (sauf les six premiers tomes).
Il est pourtant plus difficile de pouvoir trouver des éditions princeps
avec des jaquettes en parfait état. C’est la raison pour laquelle ils
sont très cher : un seul exemplaire peut coûter dans les 40 £. Pour
ce qui est des exemplaires en bon état, on peut en trouver à des prix plus
faibles (entre 20 et 25 £). Il est possible d’acheter à bon marché des
exemplaires du tout premier titre Jennings Goes To School.
En tous cas, les prix référencés ci-dessus sont généralement plus élevés
que ceux qui étaient pratiqués en août 1986. Cela ne fait que montrer à
quel point les livres de Buckeridge se répandaient dans toutes les parties
du monde, au fil des années. Ces derniers temps, de nombreux scénarios
originaux de la BBC ayant fait leur entrée au marché, ils se vendent de 10
à 30 £ pièce.
Après la parution de Speaking of
Jennings en 1973, Collins a mis un terme à
la série. A une époque où la lecture était concurrencée par d’autres
distractions (notamment la télé), les frais de nouvelles publications avec
des couvertures cartonnées n’étaient pas justifiés. Du coup, la maison
a décidé de rééditer les titres de Bennett dans un format moins luxueux
à la couverture glacée, type Armada.
Edition
brochée souple :
Le
livre Jennings
Again a été publié par Macmillan en 1991. 14 ans après la première
apparition de Jennings at Large
Le
titre Jennings
At Large a été à l’origine publié par Armada, en 1977, avec une
couverture brochée. Trois ans plus tard, Severn House a sorti une édition
cartonnée du même titre dont les exemplaires se vendent aujourd’hui de
30 à 35 £ pièce.
En
1977, l’éditeur a finalement pris la décision de sortir un nouveau
« Bennett », Jennings
at Large, le seul titre à être imprimé en
édition brochée. Cette édition ne compte qu’un seul et unique
titre. On peut se procurer un exemplaire (en assez bon état) de ce volume
pour pas cher : de 10 à 12 £. Les anciens exemplaires des titres
publiés par Severn House (première édition cartonnée) valent près de 30
£ pièce.
Une douzaine de titres « Bennett » sont aujourd’hui
disponibles, en couverture souple, publiés par Pan Macmillan qui a relooké
les jaquettes. Dans le souci de supprimer certains mots, tous les titres ont
entièrement été révisés et mis à jour. Cela s’est accompagné par le
remplacement de l’ancienne monnaie par la devise décimale et la
disparition des livres sterling, des shillings et des pence.
Ces livres brochés s’adressent bien entendu aux générations modernes.
Les uns sont d’avis qu’il faut remettre au goût du jour les livres nés
au milieu du XXe siècle, les autres ne sont pas du tout
favorables au style actuel. Il est toutefois intéressant de noter que le même
éditeur a réimprimé tous les livres « William » en couverture
brochée sans pour autant rétrécir ou modifier le texte. Mon opinion
personnelle est que les jeunes d’aujourd’hui, en tant que lecteurs,
n’ignorent pas que ces livres datent d’il y a 40 ans. Il ne leur faudra
donc pas longtemps pour s’habituer aux différences de langue et de
monnaie. Par exemple, un enfant qui lit L’île
au trésor n’aura sans doute aucune notion
sur la valeur d’une « pièce d’argent ». En tous les cas, il
n’aura qu’à lire les réactions des personnages pour qu’il se rende
compte que la somme d’argent est importante !
Les
périodiques annuels :
Au
fil du temps, les histoires courtes mettant en scène Bennett ont été
publiées dans plusieurs magazines pour la jeunesse, dont BBC
Children’s Hour Annual, BBC Fourth Dimension
et Collins’ Boys’ Annuals. De
nombreux dessinateurs talentueux, notamment Thomas Henry qui a illustré les
« William » mais aussi un « grand livre », le Boys’
Brigade’s Omnibus (1957), ont participé
aux illustrations de tous ces magazines. Il est heureusement assez facile de
trouver aujourd’hui des exemplaires des périodiques, du plus vieux numéro
au plus récent. Prix de départ : 1 £.
Buckeridge dit qu’une bonne partie des scénarios (intrigue, dialogues…)
qui se trouvent dans ses récits sont aussi présents dans ses histoires
courtes. De même, la plus grande partie des idées incorporées dans les
histoires courtes de l’auteur ont été reprises de ses romans. Il est
donc difficile voire impossible de trouver un livre d’histoires écrit il
y a belle lurette. Mais on ne sait jamais…
En 1991, la BBC a sorti les aventures de Bennett sous forme de cassettes
audio (depuis Jennings Goes
to School jusqu’à Jennings Again).
Les enregistrements sont de Stephen Fry qui a lu les livres de Bennett
sortis en premier mais aussi ceux qui ont paru plus tard. En dehors du
domaine radiophonique, Bennett a également été adapté sur le petit écran.
La première série télévisée « Bennett » a été tournée en
1956, la deuxième en 1966. Aussi, il est probable que Bennett sera adapté
pour la télé dans les années à venir.
Les collectionneurs seront agréablement surpris d’apprendre qu’un titre
« Bennett » a été l’objet d’une adaptation musicale :
Jennings Abounding!
(Bennett et le pigeon voyageur). Quoique le titre ait été emprunté à
l’un des livres de la série, il y est question des différentes aventures
de Bennett dont les intrigues sont tissées à la Buckeridge. Et dans son
ensemble, le résultat est plaisant.
Le projet d’adaptation musicale de Jennings
Abounding! a, à l’origine, été celui de
deux compositeurs originaires du Gibraltar Hector Cortes et William Gomez
qui ont aimé les livres de Bennett dans leur enfance. Ils ont envoyé des
échantillons de leurs paroles et leur musique à Buckeridge. Celui-ci a
estimé que, si la mélodie était agréable, les paroles, elles, n’étaient
pas à la hauteur de ses espérances. Il a donc décidé d’écrire le
livre et les paroles lui-même : le résultat a été des plus heureux.
Voici quelques extraits de poèmes tirés de « Bennett et le général »,
« Bennett et sa cabane » et de « Bennett et Mortimer » :
Bennett
et le général
Présentation de la scène :
Bennett
et Mortimer, après avoir tranquillement fermé à clef le général
Melville dans la bibliothèque, chantent victoire sur l’air du Roi
Dagobert :
« Y
en a qui s’croient malins
Mais qui se font piéger comm’ des lapins !
Je n’suis pas costaud
Et pas très finaud
Mais j’ai eu, cett’ fois,
Les plus forts que moi !
C’est le petit Mortimer
Qui a mis le collège à l’envers ! »
Bennett
et sa cabane
Présentation
de la scène :
Bennett
et Mortimer, au lieu de participer à la promenade dominicale (fort peu goûtée
des élèves), fondent un yacht-club. Pendant qu’ils y sont, Bennett
entonne une chanson de marins de sa composition :
« Hardi
les gars, vire au guindeau,
Good-bye farewell, good-bye farewell !
Hardi les gars ! Adieu, Bordeaux !
Hourra ! oh ! Mexico,
oh ! oh ! oh !
Au cap Horn il ne fera pas chaud,
Plus d’un y laissera sa peau,
Good-bye farewell, good-bye farewell !
Adieu misère, adieu bateau !
Hourra !
oh ! Mexico ! ho ! ho ! ho !
Et nous irons à Valparaiso… »
Plus
tard, Bennett découvre une nouvelle façon d’apprendre la géométrie…
en musique !
« Un
triangle isocèle,
Mironton, tonton, mirontaine,
Un triangle isocèle,
A deux côtés égaux,
Et deux angles égaux,
Et deux angles égaux. »
Bennett
et Mortimer
Présentation de la scène :
Les rédacteurs de la Gazette de
la Troisième division organisent un
concours de poésie auquel les élèves de la 3e division
participent.
Le
chef-d’œuvre de Binns junior :
« Je
suis pirate parce que
Je suis très mélancoliqueu !
L’équipage est très malheureux
Parce qu’il a le ventre creux.
J’ai jeté toutes les lentilles
Par les écoutilles. »
L’envoi
de Morrison :
« Il faut avoir un ballon,
Pour jouer au football comme de grands garçons.
Un jour, nous menions par six à trois,
Et tout cela, c’était dû à moi.
Le match aurait pu être raté,
Mais moi, je courais comme un dératé ! »
Là
par exemple n’arrivez-vous pas vous-même à mieux apprécier l’œuvre
de Buckeridge ?
Buckeridge a aussi écrit une vingtaine de pièces de théâtre immortelles :
I Never Knew Matrons Had Birthdays,
Fire Drill, Rhubarb etc.
Dans le titre Jennings Abounding!,
un poème (non traduit dans la v.f.) a fait l’objet d’une adaptation
musicale qui a eu lieu pour la première fois au New College School d’Oxford
le 7 juillet 1978. Plus tard, elle a été montée au Little Theatre de
Lewes sous la direction d’Eileen Buckeridge. Le rôle de M. Wilkinson a été
interprété par Buckeridge en personne ! L’adaptation
phonographique, les paroles et la prise de son sont de Samuel French qui a
sorti le livre-musique en 1980. Il n’est pas trop difficile de trouver ce
livre, aujourd’hui épuisé, mais il faut s’armer de patience avant de
pouvoir mettre la main dessus !
Après Bennett, la création suivante de Buckeridge était la famille Bligh.
Tout comme leur célèbre prédécesseur, les histoires mettant en scène
les Bligh ont d’abord été diffusées à la radio, dans une série de
trois pièces : A Dot on the
Map, The Lake Isle of Ichabod et The
Mystery of the Vanishing Vegetables. Toutes
les trois ont été condensées en un livre intitulé A Funny Thing
Happened (Il s’est passé une drôle de
chose) publié par Lutterworth en 1953.
Le
titre isolé A
Funny Thing Happened (non traduit en France) a été le seul et unique récit
d’une famille (les Bligh) qui ne peut s’empêcher de se fourrer dans des
pétrins du plus haut comique. Cet ouvrage est aujourd’hui épuisé.
Bien que la note dans la page de titre annonçant « la première
aventure des Bligh » laissait penser au lecteur que d’autres titres
lui succéderaient, Buckeridge s’était dit qu’il avait suffisamment
poussé l’analyse des caractères humains pour continuer. Aussi, ce livre
sur les exploits de la famille Bligh est-il un titre indépendant ne faisant
partie d’aucune série. L’ouvrage en question n’a d’ailleurs fait
l’objet d’aucune adaptation théâtrale non plus. A
Funny Thing Happened! est une « perle
rare » fort recherché par les collectionneurs, mais, avec de la
chance, vous pourrez le dénicher. Aujourd’hui, les exemplaires avec
jaquette en bon état de ce titre étant extrêmement difficiles à trouver,
ils se vendent de 20 à 25 £.
Dans
les années 50, alors que la saga « Bennett » avait déjà pris
racine dans le marché de livres britannique, Buckeridge se mettait à écrire
des histoires courtes pour une bande dessinée anglaise « Eagle »
et un magazine annuel qui s’appelait « Eagle Annual ». Les
deux périodiques mettaient en scène un nouveau personnage de collégien
londonien : Rex Milligan. Ce garçon plein d’initiative, accompagné
de son fidèle ami Jigger Johnson, étudie au lycée public de Sheldrake
qui, contrairement au collège de Linbury, n’est pas un pensionnat.
C’est Rex Milligan lui-même qui narre ses aventures. Les extraits
ci-dessous, tirés du premier titre de la série Rex Milligan Raises the
Roof, vont tenter de vous faire une
idée du style d’écriture humoristique dont Buckeridge a le secret.
« D’après mon journal intime, le 25 octobre marque la date de la
guerre de Cent Ans. Désormais, elle marque aussi l’anniversaire de la
vente de charité. »
et :
« Il
y avait quatre brouettes, chacune contenant toutes sortes de vieilles choses
qui auraient fait le bonheur d’un collectionneur d’objets d’occasion. Ah !
mes amis, quel bric-à-brac ! Au centre de la pièce, une tondeuse à
gazon rouillée voisinait avec un arrosoir à roulettes de la taille d’une
corbeille à papiers. Et puis plus loin, une énorme quantité
d’aquarelles délavées, de tailles-haies mécaniques hors d’usage, de
chenets dépareillés, de portemanteaux boiteux, de chaises cannées dépouillées,
d’anciens moulins à café, de théières fêlées, de chaudrons cabossés,
de cruches ébréchées, de vases de chine à demi brisés, de bêches, de
balais, de pelles, de pioches, de serpillières, de passoires, de rouleaux
de tuyaux d’arrosage improvisés en armes de fortune et bien d’autres
choses encore. L’endroit ressemblait à la fois à un entrepôt de
brocanteur servant de quartier général aux réunions de comité et à une
salle d’armes d’un musée en cours de restauration. »
Ces belles histoires ont été
superbement illustrées par le dessinateur de référence pour la b.d. Eagle :
Mazure. Tout comme les « Bennett », les « Rex Milligan »
ont été réécrits sous forme de livres (au nombre de quatre). Tous les
quatre volumes de la série ont été publiés par Lutterworth Press. Il
s’agit de : Rex
Milligan’s Busy Term (1953),
Rex Milligan Raises the Roof (1955), Rex Milligan Holds Forth (1957) et
Rex Milligan
Reporting (1961).
Chose curieuse, cette série n’a
pas été francisée. Aujourd’hui, on ne trouve plus la célèbre série
sinon sur Internet ou chez les bouquinistes. Les plus anciennes versions des
Rex Milligan aux illustrations de couverture merveilleuses de Mazure sont ce
qui se fait de plus cher. (De 15 £ à 20 £.) Les « Rex Milligan »
ont aussi fait l’objet d’une adaptation télévisée dont les épisodes
ont été diffusés en 1955, un an avant que la série T.V. « Bennett »
ait été tournée.
Sur la jaquette de Rex Milligan Reporting (éd 1961), comme sur la couverture des autres volumes dans la même série, les illustrations sont de Mazure qui a dessiné les textes pour la b.d.
Eagle.
Buckeridge a également publié des livres « hors-série »
(c’est-à-dire, les titres isolés qui n’appartiennent pas à une série).
L’auteur destinait ses articles aux différentes publications annuelles.
Pour ceux qu’enchante l’humour, ces périodiques sont un must.
Cependant, Anthony Buckeridge n’étant pas homme à gaspiller ses complots
et intrigues qui se poursuivent avec bonheur, il y a de grandes chances pour
que le lecteur trouve la même idée incorporée dans un autre livre sur les
exploits de Bennett ou de Rex Milligan. L’écrivain a toutefois apporté
des modifications aux noms des personnages. Ainsi, le nom de ‘Rip Van
Raincoat’ qui se trouve dans Eagle
aussi bien que dans le BBC Children’s Annual 1957 a été plus tard utilisé dans une aventure de Rex Milligan (‘Rex
Milligan Reporting’). De même, le titre
du livre ‘The Lunatickians’ -
publié à l’origine dans le Collins’ Boys’ Annual
- a été repris du volume According to Jennings (Bennett et le général).
Buckeridge a aussi fait paraître trois histoires dans une collection
« 3 en un ». Elles sont destinées aux plus jeunes lecteurs :
Stories for Boys 1 & 2 (1957
& 1965), et In and Out of School
(1958), et publiées par Faber and Faber.
Vu la grosse vente du premier titre de la série Bennett à être publié
après 14 ans ‘Jennings Again!’,
Anthony Buckeridge s’occupe actuellement à l’écriture de son 24ième
livre sur Bennett. L’auteur avoue sans hésitation qu’il écrit beaucoup
plus lentement ces jours-ci qu’il y a quelques années. Au moment où je
l’interviewais, son nouvel ouvrage n’était encore qu’un livre
d’histoires courtes. Mais un jour prochain, il connaîtra un succès à un
tel point qu’il ne se passera guère de temps avant qu’une autre
aventure sur Bennett ne soit lancée comme l’une des fameuses fusées
lunaires de son héros, et gageons que ce nouveau titre enthousiasmera tous
les fans de Buckeridge.
Le
premier roman pour la jeunesse de David Schutte, intitulé Mud Pies and
Water Bombs, publié par Pan Macmillan Children’s Books sortira le 11
juin 1993 avec la jaquette brochée de Piper.
Propos
recueillis par David Schutte.
Traduit
de l’anglais par Srikrishnan Srinivasan.
Les
textes mis en bleu
sont d’Anthony Buckeridge.
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Le site de David Schutte :
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