Ses provinces. Au cours de sa vie, au gré de ses nouveaux maris, Colette adoptait des "lés" de provinces, et en devenait éprise, ainsi, ces morceaux de France qu' elle chante dans ses livres... La Franche-Comté. A la moindre sollicitation de ma mémoire, le domaine des Monts-Boucons dresse son toit de tuiles presque noires, son fronton Directoire - qui ne datait sans doute que de Charles X - peint en camaïeu jaunâtre, ses boqueteaux, son arche de roc dans le goût d'Hubert Robert. La maison, la petite ferme, les cinq ou six hectares qui les entouraient, M. Willy sembla me les donner : Tout cela est à vous. Trois ans plus tard, il me les reprenait : Cela n'est plus à vous, ni à moi. Mes apprentissages.
La Bretagne
Mon « Hélène-Hélène ! » nous sommes arrivés hier après un beau et chaud voyage. Rozven, tout grésillant de chaleur, est un endroit radieux, et il y a des crapauds, aussi larges que ma fesse ! Le premier bain fut glacé, puis tiède, et le sable, profondément sec, panse toutes les brûlures morales. Lettres à Hélène Picard.
Rozven
Le
Limousin
Ma chère âme, tout est magnifique. Mais le fourrage est bien ras pour la saison, hélas. Ma fille est une sorte d'Eros élégant, robuste, et édenté. Elle perd ses dents par paquets. As-tu vu Pierre Wolff ? Ceci n'est pas une lettre, mais une sorte de mouchoir agité de loin, pour que tu saches que je pense à toi. Que de lilas et que d'abeilles, que de rats dans les planchers, que de roses de mai au rosier bi-centenaire ! Je m'abandonne à tout cela, et au lait mousseux, et à l'oignon en branches. La vigne est gelée. Les pommiers aux trois quarts, ainsi que la première floraison des pois et des fraises. Je ne suis qu'un choeur alterné d'allégresse et de lamentations. Lettres à Marguerite Moréno.Colette et sa fille à Castel-Novel.
La provence Est-ce ma dernière maison? Je la mesure, je l'écoute, pendant que s'écoule la brève nuit intérieure qui succède immédiatement, ici, à l'heure de midi. Les cigales et le clayonnage neuf qui abrite la terrasse crépitent, je ne sais quel insecte écrase de petites braises entre ses élytres, l'oiseau rougeâtre dans le pin crie toutes les dix secondes, et le vent du ponant qui cerne, attentif, mes murs, laisse en repos la mer plate, dense, dure, d'un bleu rigide qui s'attendrira vers la chute du jour. La naissance du jour.La treille Muscate |