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Enid Blyton.

LA CRITIQUE

Si je présente, sur ce site, une page de "Critique", (le vilain mot ! ) c'est pour informer le lecteur de tout ce qui se dit, tout ce qui c'est dit, sur Enid Blyton et le Club des cinq...

Je ne partage pas tout ce qui s'écrit, tout ce qui se dit, et parfois, souvent, mon opinion diffère totalement !
Ma passion pour Enid Blyton et son "Club des Cinq" n'a pas faibli, et même, elle se renforce !
Mme Blyton est un grand écrivain pour enfants,  talentueux ! Il faut qu'on le sache !
Je souhaite donner à beaucoup d'enfants l'envie de  lire ses livres.

L' avis des lecteurs, les témoignages qu'ils nous apportent, montre que l'influence que ces livres  est loin d'avoir été néfaste .  Ils en ont gardé une grande envie de lire,  le souvenir d'agréables moments de lecture, et une nostalgie pour ces moments de leur jeunesse qu'ils sont loin de renier.

Pour  connaître beaucoup de ces lecteurs, je ne constate pas qu'ils soient devenus racistes, ou sexistes ! 

Ces livres sont très marqués des années 42-63. Période ou sont sortis les 21 titres du Club des cinq.
Les lecteurs, jeunes et vieux l'ont bien compris.

Enid Blyton nous raconte des histoires, pour distraire avant tout, qui se passent dans un certain milieu. Et bien voila l'occasion d'apprendre comment on vit dans ce milieu, ce qui est bon ou mauvais.
Les personnages ont un certain comportement, qui déroute aujourd'hui...
Autre leçon ! On ne vivait pas ces années là comme celles d'aujourd'hui !
Il faut donc  prendre les récits tels qu'ils sont : reflets d'une époque révolue !

S'attend-on à voir les personnages de la Comtesse de Ségur se comporter comme les enfants d'aujourd'hui ? Non, bien sur !
Et le monde a bien plus changé des années 40 aux années 2000, que durant les cinquante années précédentes !
Faisons confiance aux enfants  : ils ne sont pas idiots !

Ils savent voir le côté désuet des récits, et ne prennent nullement les personnages du Club des Cinq pour des modèles à imiter en tout...
Ou plutôt, ils savent parfaitement séparer le bon grain de l'ivraie ! Reconnaître le "paternalisme", le "sexisme de l'époque", qui n'est pas propre à Enid Blyton.

Alors, loin des craintes qu'ont pour eux les adultes, il leur reste le plaisir de l'aventure et du mystère... le plaisir "pur" de la lecture.
Et ces récits d'aventure ne sont, ma foi, pas plus invraisemblables que maints feuilletons télévisés actuels.

Serge.

 

François Rivière

Blyton, nom vénéré, nom honni ! Au début des années quarante, alors qu’elle venait de lancer, avec un succès certain, les aventures de son Club des Cinq, Blyton fut lâchement accusée de recourir à des “nègres”… L’eût-elle fait, la romancière aurait du même coup calmé les angoisses de ceux que fâchaient l’étendue de son succès. Grâce à elle, en effet, le phénomène de séries venait de prendre une ampleur incroyable. Et miss Blyton était un véritable auteur, menant une carrière savamment orchestrée, créant des personnages en adéquation parfaite avec les aspirations profondes de son jeune lectorat… Elle en venait même - crime suprême ! - à ôter le pain de la bouche des prescripteurs puisque sa production s’adressait à tous les âges et répondait par avance à toutes les questions…

François Rivière


D.J.Duché.

Mais le meilleur n'est pas ce qui plaît le mieux. Tous ceux qui ont, à quelque titre que ce soit, à s'occuper d'enfants, se doivent d'aborder ce problème avec un souci éducatif. L'énorme succès d'Enid Blyton, dont les romans tirent, dit-on, à plus de 100.000 exemplaires, adaptés dans de nombreux pays, Club des 5, Clan des 7, Mystère de..., en est un exemple saisissant.           

ces livres, dont l'intrigue est apparemment bien menée pour captiver les enfants, assureront la tranquillité des parents : ils sont tièdes, glissent sans mordre sur l'âme enfantine, ils n'apportent rien qu'un bercement niaisot. De l'un à l'autre de ces livres, l'enfant retrouve les mêmes héros, ce à quoi il est sensible; cette continuité lui évite tout effort d'adaptation, et il est sûr de s'y retrouver, cette loi d'uniformité se confondant quelque peu avec celle du moindre effort.

La bibliothèque idéale des enfants.

D.J.Duché.

Ed. universitaires.

 Carol et Denis Hooge

 

L'écriture limpide de Blyton

Si l'on en juge par le nombre de collectionneurs du Club des cinq qui se sont révélés dans l'enquête, les libraires d'occasion doivent se frotter les mains ! « C'est une quête sans fin (je l'espère ainsi) à laquelle je me livre chez les bouquinistes à la recherche de la Claude que j'étais, solitaire et éprise d'aventures », nous dit une inconditionnelle. Revenons encore à François Rivière qui, dans son Souvenir d'Enid Blyton, nous parle de cette autrice qui « semble avoir eu le privilège insigne de conserver tout au long de sa vie la totalité des caractères de l'enfance, toute la rouerie et l'espièglerie de cet âge unique. L'écriture limpide de Blyton avait sûrement de quoi surprendre et chagriner plus d'un adulte : pourquoi s'en étonner, lorsqu'on sait à quel point l'uniformité de ton s'accorde parfaitement à la source de sa fable ? »

 

Carol et Denis Hooge

 

Jean Paul Lecomte

Références : http://www.lecture.org/

Le  Club des Cinq

 

C'est avec des souvenirs traînant dans la mémoire et un brin de honte dissimulée pour avoir osé lire une série en proie aux critiques les plus acerbes que je me suis mis à réfléchir au phénomène Club des cinq.
Les réflexions à son propos n'ouvrent pas le champ à une discussion objective ou en demi-teinte. Les uns - souvent des professionnels du livre - sont en rejet complet. Les autres - principalement les parents anciens lecteurs de la série ou les enfants actuels lecteurs - sont sur la position d'accepter les ouvrages puisqu'ils semblent répondre à leurs attentes, sous-entendu que ces attentes sont connues et identifiées... Rien de très sain quant à la volonté de développer chez l'enfant un comportement de lecteur.

L'enfant lecteur, c'est celui capable (aussi) de circuler à l'aise dans la production littéraire averti qu'il est des manigances des éditeurs, capable d'argumenter ses choix, ses acceptations ou ses rejets, un lecteur à qui le slogan "Lisez, éliminez " s'applique fort bien.
Il n'est donc pas question pour moi d'idolâtrer le Club des cinq ni même de le clouer au pilori. Il s'agit plutôt de tenter d'y voir clair et de remettre les pendules des responsabilités à l'heure...

Allons d'abord voir du côté des faux Club des cinq...

Madame Enid Blyton : 1897-1968. Mais ouvrons un Club des cinq au hasard...
Copyright 1940, 1945 : rien à dire !
Copyright 1978 : là, des questions se posent...
Manuscrit retrouvé ? On nous a bien fait le coup avec des auteurs plus cotés.
Publication à titre posthume ?
Ecriture réalisée à partir de son manuscrit inachevé ?

Finalement, rien de tout cela. La réalité est plus saugrenue. Il suffit de lire... Lire ce qui se trouve sous une mention majuscule "CLUB DES CINQ". Lire ce qui est écrit en tout petit, ce que personne - sauf peut-être un lecteur averti - ne lit :" une nouvelle aventure des personnages créés par".

Tout s'éclaire... Rien à voir avec la main d'Enid Blyton donc ! Quant au responsable du texte, il n'écrit pas, il raconte ! On le nomme en évitant soigneusement d'utiliser le mot "auteur", cette histoire n'est pas écrite, elle est simplement "racontée par CLAUDE VOILIER "...

Serait-ce alors de l'oral transcrit ? On ose à peine y croire car on peut bien accuser Enid Blyton de tous les mots, encore faudrait-il qu'elle ait une part de responsabilité dans ce que le lecteur a sous les yeux ! Combien sont tombés sur ces ouvrages croyant tenir entre les mains l'oeuvre d'Enid Blyton ? Combien ont forgé leur point de vue sur Enid Blyton avec ce qu'il croyait être le fruit de son travail ? Et quel fruit ! Car rien ne va dans cette série. Les mauvaises langues pousseraient volontiers jusqu'à soupçonner les Editions Hachette de vouloir allonger la sauce du Club des cinq pour faire durer plus longtemps un plat qui a bon goût...

Sachez que vous êtes tombé dans le piège des éditeurs dès que vous vous glorifiez d'avoir lu les vingt-deux volumes de la série du Club des cinq puisque celle-ci n'en compte que vingt et un ! Mais la tromperie ne s'arrête - ou ne commençait - pas là. Les vingt et un volumes écrits par Enid Blyton ont été édités en Angleterre sous le titre général des Five et c'est sous le titre des Cinq que la "fausse" série est éditée en France, la mention Club des cinq étant réservée aux manuscrits originaux d'Enid Blyton.

A signaler au passage que l'idée de Club était, pour Enid Blyton, une idée plutôt généreuse puisqu'il s'agissait pour elle de cotiser à une association - The famous five club - (200 000 membres) dont le but était de réunir des fonds en vue de la construction d'un orphelinat en Angleterre.

Pour se différencier des vrais Club des cinq, la nouvelle série se veut illustrée. A une page de texte correspond une page comportant une ou deux vignettes. Offrir à l'enfant de découvrir une histoire sous la forme d'une bande dessinée - c'est l'allure que veulent prendre ces illustrations - ou sous la forme d'un texte posé à côté, c'est faire preuve de la plus parfaite démagogie et prouve le machiavélisme de l'éditeur qui capte sinon l'intérêt du lecteur, tout du moins son argent faisant des adeptes du Club des cinq ou des amateurs de BD des acheteurs des Cinq et probablement du même coup des déçus...

Cette série n'est de toute façon qu'une parodie de bande dessinée. Les vignettes se succèdent mais ne s'enchaînent pas les unes aux autres comme cela est de rigueur dans une BD de qualité. La perception de l'histoire est ainsi très parcellaire, seulement un quart de l'histoire contenue dans le texte transparaît au travers des illustrations (par le dessin lui-même, par les bulles ou par les commentaires hors dialogue). L'ensemble est rendu incohérent et incomplet par le manque de vignettes.

Impossible non plus de parler d'albums si on convient du fait que l'illustration n'est pas une redite mais un complément au texte.

Que penser du fait que de nombreux lecteurs ont forgé leur opinion sur Enid Blyton au travers de cette série illustrée sans réaliser qu'elle n'était absolument pour rien dans cette pseudo-création. Des comptes seraient évidemment à demander à la famille sachant que l'opération commerciale est une réussite incontestable avec l'adaptation pour le théâtre, pour le grand et le petit écran, les émissions radio, les enregistrements sur cassettes et disques ! Droits d'auteur quand tu nous tiens...

Mais considérons qu'aucune opinion fondée ne peut reposer sur cette série et allons voir du côté des livres dont Enid Blyton est réellement l'auteur... Les vrais Club des cinq ! Respirons, le face à face entre l'écrivain et ses lecteurs va enfin se produire et alors, impossible d'échapper au jugement du lecteur.

Pourtant, cette rencontre est encore troublée par un autre personnage... Il s'agit cette fois du traducteur. De la suppression à l'allongement en passant par le contresens flagrant, rien ne nous est épargné ! *

"It's the first time I've ever hit a girl, and I hope it'll be the last. "

"C'est la première fois que je boxais avec une fille, j'espère que ce ne sera pas la dernière !"

" And see how the waves keep washing over the top of the rocks and spashing into the pool. "

"Et les vagues déferlent dedans."

D'ailleurs, son nom ne figure nulle part. Dans n'importe quel autre ouvrage étranger, on pourrait lire le nom de celui qui a traduit : pas dans le Club des cinq ! Heureux donc celui qui lit l'anglais dans le texte, lui pourra peut-être se faire une réelle première opinion. Quant à nous, il reste une version déjà malmenée et cependant pas encore au bout de ses peines pour nous faire une idée !

Au cours des rééditions actuelles, il semble que la version illustrée est remaniée et les dessins supprimés. Quant au remaniement effectué sur les vrais Club des cinq, il conduit à un appauvrissement du style d'Enid Blyton à cause de suppressions opérées dans l'ancienne édition. Cela va de la disparition de phrases entières à celle de paragraphes. Ce massacre est effectué sans la moindre réflexion et aboutit à de véritables désastres quant au sens et au style.

"Malgré tout, la carte était mouillée. François étendit la carte sur un des bancs [...]"

"Les enfants regardèrent leur oncle d'un air horrifié. Il avait vendu le précieux coffret ! Bientôt quelqu'un étudierait la carte et peut-être en découvrirait-il le secret ! L'histoire de la cargaison d'or disparue avait été imprimée dans tous les journaux. Il ne fallait pas être très malin pour deviner ce que signifiait la carte pour peu qu'on y mît quelque réflexion."

"Les enfants regardèrent leur oncle d'un air horrifié. L'histoire de la cargaison d'or disparue avait été imprimée dans tous les journaux !"

Il semblerait que ce soit la volonté d'uniformiser l'aspect et la taille de la nouvelle édition qui ait conduit à remanier toutes les anciennes éditions qui ne rentraient pas systématiquement dans la maquette pré-établie...

Jusque là, tout porte à croire qu'Enid Blyton est irréprochable. Mais, d'avocat de la défense, je vais me transformer en procureur...

Lire, c'est aller inspecter les idées qui se cachent derrière les mots. Or, les apprentis lecteurs ne sont pas, ou trop peu, familiarisés à ce genre de démarche et considèrent comme vérité indéniable les propos de l'auteur. C'est là qu'il existe un véritable danger ! Celui des opinions qui passent au travers du texte d'Enid Blyton quand il est lu par des lecteurs en manque de formation. La question n'est pas d'adhérer ou non à ces idées mais de le faire en connaissance de cause.

Où se cacheraient donc de "vilaines" idées dans le Club des cinq ? Est-ce derrière les trois enfants Gauthier : Mick (12 ans), Annie (11 ans), François (13 ans) ? Derrière leur cousine Claudine Dorsel, dite Claude (12 ans) ? Derrière le chien Dagobert ?

Les idées que véhicule le Club des cinq ne sont ni anodines ni innocentes. Cinq (le hasard !) points importants sont à souligner...

1 - L'image de la femme.

On baigne complètement dans l'idée reçue, le stéréotype et les préjugés ! La femme au foyer ! La lecture du Club des cinq entérine l'idée qu'il existe un monde au féminin et un autre au masculin et qu'il faut appartenir à l'un ou à l'autre. Quand on fait partie du premier et qu'on souhaiterait bénéficier des possibilités du second, une seule solution : prendre l'allure physique et morale ainsi que la dénomination d'un garçon ! Alors, Claudine devient Claude, personnalité tortueuse et ambiguë.

"Je déteste être une fille. Je ne veux pas en être une [_] Vous devez m'appeler Claude." (Le Club des cinq et le trésor de l'île, ch. 2)

"Je suis fier de toi, mon garçon !" (Le Club des cinq et le trésor de l'île, ch. 17)

Elle passe souvent d'une extrême à l'autre : admirable puis insupportable, égoïste puis généreuse. Elle est mal dans sa peau ! Et, ce qu'il y a d'ennuyeux avec elle, c'est que sa personnalité n'évolue pas dans la succession des livres et que ses insatisfactions ne trouvent pas de solution. En fait, il est à peu près sûr qu'Enid Blyton a créé le personnage de Claude à son image, celle d'un garçon manqué.

Dans le Club des cinq donc, le message est clair : seul l'homme peut être énergique, actif, résolu, audacieux et les deux extrêmes cohabitent... Le personnage d'Annie représente le monde au féminin d'après Enid Blyton.

"Ma parole, Annie, tu as fait des merveilles. La grotte est splendide. Et comme tout est bien rangé! Tu es une bonne petite fille. " (Le Club des cinq contre-attaque, ch. 5)

Elle est la parfaite future femme d'intérieur : passive, résignée, obéissante, parfois gênante. Elle n'intervient que très accidentellement dans le déroulement des intrigues. Confiez-lui une grotte poussiéreuse, elle vous la transforme en palace : une vraie fée du logis !

Pour être complet, le portrait des personnages féminins dans le Club des cinq se résume à des êtres faibles aux capacités limitées. Quand la mère d'un des enfants apparaît au détour d'une histoire, elle est soit malade, soit en train de cuisiner ou de faire le ménage ! On peut être d'accord ou non avec ce schéma de la femme mais de toute façon, c'est ainsi qu'elle apparaît dans le Club des cinq ! Ainsi s'inscrit inconsciemment le message dans la tête des apprentis lecteurs...

2 - Le comportement envers les étrangers.

Lorsque l'intrigue tourne autour d'un vol, il est surprenant - voire inquiétant - que ce soit la plupart du temps des enfants d'origine étrangère - de préférence des romanichels - qui soient soupçonnés...

Bien sûr, lorsque nos héros se rendent compte de leur erreur, ils tentent de se faire pardonner. Les enfants injustement accusés sont invités à goûter et à jouer mais pour les jeux, ils devront se contenter du jardin et quant à manger, ce sera dans la cuisine !

3 - Milieu social, rapports avec l'argent.

Les Gauthier et les Dorsel ne côtoient pas n'importe qui : ne mélangeons pas torchons et serviettes ! De même que les parents ne se mélangent pas avec n'importe qui, les enfants du Club des cinq n'ont pas non plus n'importe quels autres enfants comme compagnons de jeux ou alors à eux les tâches nobles et aux autres le reste... Sur le plan financier, les parents des enfants vivent très à l'aise et cela se ressent dans le milieu dans lesquels se déroulent les histoires (séjour sur une île pour les enfants en vacances ou dans un château appartenant à des amis).

"Pauvre Berthe, dit Mick, elle est gentille, n'est-ce pas ?" (Enlèvement au Club des cinq, ch. 15)

On ne dit de mal de personne dans le Club des cinq mais on préfère tout de même que chacun reste à sa place afin que le monde continue de tourner rond... Même la gouvernante des enfants - puisque gouvernante il y a - est appréciée mais on ne manque pas de lui rappeler la place qu'elle occupe. Ainsi, Enid Blyton prône une idéologie où l'argent est roi !

4 - Les stéréotypes.

Claude et Annie véhiculent déjà toute une série de stéréotypes concernant la virilité et le monde au féminin mais les autres personnages ne sont pas neutres non plus...

La personnalité de chacun des membres du Club des cinq est construite pour réaliser un groupe qui correspond à l'image de la famille telle qu'Enid Blyton l'envisage.

Si Annie représente la mère selon l'idée de l'auteur, François, l'aîné, joue le rôle du père. Il représente la maturité, la finesse et le discernement. C'est lui qui intervient dans tout conflit pour remettre chacun à sa place en jouant le rôle d'arbitre, de moralisateur et de Chef en se montrant autoritaire si nécessaire ! C'est de lui que vient l'image du Bien et du Mal.

"François était dégoûté : j'ai honte pour toi, dit-il. Comment as-tu pu nous mentir ainsi ?" (Le Club des cinq en péril, ch. 15)

Mais pour que le tableau de la famille idéale soit complet il manque Claude, celle qui refuse les contraintes imposées par la vie en société et Mick, le "tout fou", l'impulsif, le sportif, le courageux. Il s'offre la liberté d'être tout à fait souple avec les contraintes morales et c'est sans doute pour cela qu'il joue un rôle franchement secondaire dans les histoires. Pourtant, grâce à sa personnalité proche des jeunes lecteurs, il offre une possibilité d'identification plus large et moins dangereuse.

Il y a là un savant mélange et un subtil dosage dans lequel réside très certainement une des clés du succès de la série.

5 - L'image des adultes.

En tant qu'adulte, on ne peut être qu'agacé - voire révolté - par l'image qu'Enid Blyton en donne. On navigue de l'adulte parfaitement stupide à celui incompétent en passant par celui qui est franchement un rigolo.

" Je me sens beaucoup plus à l'aise dans la maison quand tu n'y es pas. [_] Il me fait toujours un peu peur." (Le Club des cinq joue et gagne, ch. 2)

Quelle image Enid Blyton veut-elle donner des parents en imaginant la personnalité du père de Claude de telle sorte que sa fille va jusqu'à se réjouir de son absence...

Pourquoi masquer quasiment l'existence du père des trois cousins puisque c'est à peine si on en parle ?

Pourquoi une mère qui inspire plus de compassion que d'envie en la chargeant de fonctions somme toute peu enviables ?

Pourquoi faire passer les enfants pour des êtres d'exception qui réussissent tout ce qu'ils entreprennent (même si on ne sait pas toujours comment), des êtres performants, sûrs d'eux, sans cesse auréolés de gloire alors que les adultes sont eux des spécialistes de l'acte manqué, des êtres timorés, voire idiots ?

" Filez tous, ou je prends vos noms et je fais un rapport.

- Si vous voulez, dit François. [_] je ferai un rapport moi-même à un policier que je connais. [_] Le gendarme le regarda [effaré]. Les manières de François [l'impressionnaient] et il se calma un peu." (Le Club des cinq en randonnée, ch. 10)

On peut aller jusqu'à envisager une interprétation qui consisterait à formuler l'idée que les adultes représentent précisément ce qu'il faut à tout prix que les enfants évitent de devenir... Dans l'idée qu'un livre est aussi un outil pour grandir, on mesure le handicap et le manque d'intérêt que présente la série !

Un triple questionnement apparaît maintenant : Pour qui Enid Blyton prend-elle ses lecteurs en leur proposant ce genre de littérature ? Peut-on honnêtement reprocher à un écrivain d'avoir des idées dans la tête et de tenter de les faire passer dans ses productions ? A quels messages les apprentis lecteurs vont-ils être - consciemment ou inconsciemment - le plus réceptifs ?

La première question trouve sa réponse dans la deuxième qui induit la troisième. Enid Blyton avait-elle ou non des intentions commerciales marquées, difficile à dire... Ce qui est sûr, c'est qu'elle avait des idées bien définies sur le fonctionnement du monde et que cela transparaît dans son écriture. Elle a su accommoder les héros du Club des cinq à une sauce qui a de quoi séduire les lecteurs en devenir sans que cela soit nécessairement inquiétant. Ce qui l'est davantage, c'est la formation qu'on offre aux apprentis lecteurs, donc la possibilité ou non de circuler librement dans le réseau d'idées tissé avec les mots. Une idée cesse d'être pernicieuse quand on est en mesure de la pénétrer et de la remettre en question.

Ne vous demandez donc pas quel point de vue je contribue à alimenter ou même à forger. Mon intention n'est ni de créer des "pro" et encore moins des "anti" Enid Blyton. A chacun de construire sa propre opinion... mais en connaissance de cause !

Arrivé à la fin de cet article, je forge l'espoir d'avoir de toute façon remporté une victoire importante sur le lecteur. Fanatique d'Enid Blyton, il ne peut plus porter le même regard sur l'auteur qui l'a fait vibrer. Ennemi voué, il a dans un coin de son cerveau de quoi rendre son jugement plus honnête. D'ailleurs vous ne pourrez plus porter non plus le même regard sur aucun autre auteur ni sur les éditeurs... La victoire est là : avoir contribué à ce que vous ayez de la matière pour construire votre point de vue !

"Lisez, éliminez" mais que cet acte soit volontaire !
 
 
Jean Paul Lecomte

 

* Au sujet de la traduction, lire l'article d'un traducteur, et ses réactions

 

 

Marc Madouraud

Message sur Rompol, romans policiers,   Yahoo groupe.
http://groups.yahoo.com/group/rompol/

J'ignore comment vous avez fait votre entrée dans le monde de la littérature - en tant que lecteur - puis, plus tard, dans celui du polar. Personnellement, mes premiers romans furent ceux d'Enid Blyton, dans la mythique "Bibliothèque Rose" d'Hachette, et plus particulièrement la série du "Club du Cinq". Je crois pouvoir affirmer sans risque que ce furent ces lectures qui engendrèrent et façonnèrent mon goût pour le récit de mystère et, partant, pour la SF, le Fantastique et le Polar. Quel que soit votre "cursus" de lecteur, il est bien improbable que vous ayez vous-mêmes échappé à cette étape inévitable. Même le jeune Romain, avant qu'il ne passe du côté obscur de la Force Universitaire et emploie des mots qui font rien qu'à faire mal à la tête, dut lire les aventures du Clan des Sept et du Club des Cinq (nous passerons charitablement sur la phase "Oui-Oui").Aussi avais-je envie, en souvenir de nos jeunes années, d'attirer votre attention sur un site français dévolu à cet écrivain anglais, et que vous pourrez trouver à l'adresse suivante:
http://serge-passions.fr/livres_d_enfants.htm
Ce site comporte une biographie, des résumés, des présentations de personnages, des scans de couvertures, des éléments bibliographiques (pas évident de faire le lien entre les titres français et les titres originaux, soigneusement occultés par Hachette), et même, en toute objectivité, une partie critique (réellement critique, c'est-à-dire accusant plus ou moins Enid d'être un brin réac). Il y encore certes du boulot à faire (notamment en ce qui concerne les différentes séries écrites par Blyton), mais le résultat est déjà attractif. Voilà, c'était mon court hommage à un écrivain qui, comme d'autres, peut également être considérée comme une grande dame du polar, même si elle ne visait pas le même public qu'Agatha ou Dorothy.

Marc Madouraud

 

 

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