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BENNETT
D' ANTHONY BUCKERIDGE

 


    BENNETT / EXTRAITS

Afin de mieux comprendre l'humour très particulier qui se dégage des "Bennett", d' Anthony Buckeridge, humour basé sur le quiproquo, l' incompréhension, la méprise, on lira avec plaisir ces extraits choisis pour nous par Patrick Galois, grand amateur du collégien facétieux ...

Ces extraits n'ont qu'un seul but, vous donner l'envie de lire ou de relire ces merveilleux romans qui ont été traduits et appréciés dans le monde entier.

menuextraits

Bennett au collège     L' agence Bennett et Cie     Bennett et la roue folle

 

 

 

 

 

 

BENNETT AU COLLÈGE

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Présentation de la scène : juste avant un cours de géographie avec M Wilkinson, les élèves ont à faire une préparation.



Mortimer retourna à son étude des Antipodes.
"Que fais-tu ? lui demanda Bennett.
-Eh bien, je n'ai pas encore fait ma préparation de géographie pour Wilkie, tout à l'heure.
-Zut ! moi non plus, dit Bennett. C'est sur quoi ?
-Sur la culture du blé en Australie. Si j'en juge par l'énervement de Wilkie ce matin, je crois qu'il vaut mieux avoir fait notre préparation."
A regret, Bennett se dirigea vers son pupitre et en tira un livre de géographie.
"Qu'est-ce qu'il y a, en Australie ? demanda-t-il.
-Des lapins ; c'est une véritable calamité, et ils mangent tout le blé que les fermiers passent leur temps à faire pousser.
-Bon, ça ira comme début, dit Bennett. Maintenant, tais-toi : je travaille.".
Et il se mit à écrire dans son cahier, tandis que Mortimer continuait à feuilleter la brochure touristique. Elle décrivait l'Australie avec enthousiasme : couchers de soleil, majestueux paysages, climat, tout était dépeint à l'aide des plus vives couleurs, afin d'inviter le lecteur au voyage. "Cet homme-là doit savoir ce qu'il raconte" se dit Mortimer qui, sans plus hésiter, copia le premier paragraphe de la brochure dans son cahier.
(…)
Des pas pesants retentirent dans le couloir. Il n'était pas nécessaire de regarder dehors pour deviner qu'il s'agissait de M.Wilkinson.
"Prenez vos préparations de géographie !" cria-t-il alors qu'il se trouvait encore à quelques mètres de la porte. Il y avait un nouvel accent d'assurance dans sa voix, mais il passa inaperçu des élèves.
Briggs leva la main dès que M.Wilkinson eut pris place à son bureau.
"Fallait-il écrire la préparation dans nos cahiers, m'sieur ? demanda-t-il.
-En quel autre endroit auriez-vous pu l'écrire ? Au plafond, peut-être ?
-Non, m'sieur. Je me demandais seulement si nous devions simplement préparer la leçon sur l'Australie, ou bien écrire un petit texte."
M.Wilkinson lui lança un regard furieux.
"Alors, vous n'avez rien écrit, hein ? Parfait, mon ami, si vous cherchez des ennuis…
-Oh ! mais si, m'sieur, j'ai écrit !
-Vous disiez que vous n'aviez rien fait !
-Non, m'sieur. Je me posais la question, c'était tout.
-Ne dites pas de bêtises", répliqua sèchement M.Wilkinson.
Puis il appela Bennett à son bureau et examina le résultat de ses efforts.
"En Australie, lut-il à haute voix, il y a du blé, mais les lapins sont une calamité comme les rats, et les fermiers sont très fâchés parce que les lapins mangent tout leur blé, mais en Angleterre les lapins ne sont pas une calamité, et on peut même élever des lapins Angoras, le mien était blanc et brun, il s'appelait Bobby, et j'avais pris une petite caisse où j'avais mis de la paille pour lui faire une cage…"
M.Wilkinson interrompit sa lecture.
"De toutes les plus absurdes idioties que…que…" Les mots lui manquèrent un instant. "Voyons ! qu'aviez-vous dans la tête en me servant une ineptie de ce genre ? demanda-t-il.
-Mais ce n'est pas une ineptie, m'sieur ! protesta Bennett. C'est la vérité. Mon lapin était blanc et marron. C'est mon oncle qui me l'avait donné pour mon anniversaire.
-Mais moi, je vous ai donné une préparation à faire sur la culture du blé en Australie, et non la biographie d'un misérable rongeur !
-Il s'appelait Bobby, rectifia Bennett.
-Je me moque pas mal qu'il se soit appelé Bobby ou Toto, gronda M.Wilkinson. Petit illettré, ne voyez-vous pas que votre préparation est à mille lieues du sujet ? C'est un parfait exemple de…de…
-De délinquance juvénile, m'sieur ? proposa Mortimer.
-Silence, Mortimer ! gronda M.Wilkinson.
-Pardon, m'sieur, dit Mortimer d'une voix douce.
-L'ennui avec vous, Bennett, reprit le professeur, c'est que vous êtes toujours à moitié endormi. Il faut absolument vous réveiller ! Allez donc mettre votre tête sous le robinet, dans les lavabos, et voyez si ça ne vous éclaircit pas un peu les idées.
-Quoi , m'sieur, tout de suite ? demanda Bennett.
-Oui, tout de suite, et peut-être reviendrez-vous un peu plus éveillé. Filez !"
Bennett prit le chemin des lavabos, tandis que M.Wilkinson appelait Mortimer auprès de lui et commençait à lire sa préparation.
"Les grandioses splendeurs du paysage australien, lut-il, déploient un inoubliable et pittoresque spectacle qui, tel un précieux joyau, restera pour toujours enchâssé dans la mémoire du voyageur. La vaste ondulation des plaines embaumées se poursuit interminablement vers l'horizon lointain, où, dans les feux du soleil couchant, l'œil de l'observateur est ravi d'apercevoir…"
M.Wilkinson releva la tête, mais, contrairement à celui de l'observateur , son œil n'était nullement ravi par ce qu'il avait vu.
"Vous allez sans doute me dire que c'est vous qui avez écrit ça tout seul ? demanda-til froidement à Mortimer.
-Eh bien, non, m'sieur, pas complètement, reconnut Mortimer, mais je me suis donné beaucoup de mal, j'ai fait des recherches et…et…
-Et où est-il question de la culture du blé ?
-Oh ! ça vient plus loin, m'sieur, expliqua Mortimer. Bien plus loin. Pour dire vrai, je ne suis pas encore tout à fait arrivé à cet endroit-là. Cette entrée en matière a seulement pour but de mettre le lecteur dans l'ambiance.
-Cela me met en effet dans une certaine ambiance, admit M.Wilkinson, mais ce n'est pas du tout celle que vous cherchiez à produire."
La porte s'ouvrit et Bennett reparut. Sa petite promenade l'avait un peu réveillé, mais sa tête ne portait aucune trace d'immersion. M.Wilkinson l'observa attentivement. Il s'agissait là d'un acte de rébellion caractérisée. Parfait ! il savait comment agir en conséquence.
"Vous avez fait bien vite, Bennett, dit-il avec un calme étudié. Approchez un peu."
Bennett approcha.
"Avez-vous mis votre tête sous le robinet, comme je vous l'avais dit ?
-Oui, m'sieur.
"Auriez-vous alors l'amabilité de m'expliquer pourquoi vos cheveux sont parfaitement secs ?
-Eh bien, m'sieur, c'est que vous ne m'aviez pas dit d'ouvrir le robinet !"

 

Fin de l'extrait

 

 


 

 

L'AGENCE  BENNETT & CIE

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Présentation de la scène : cours de géographie avec M.Wilkinson :

 



M.Wilkinson marchait de long en large, dictant à toute vitesse, et démontrant la rotation de la terre à l'aide d'un gros globe aux couleurs défraîchies.
Assis au dernier rang, Bennett regardait par la fenêtre. Comme il avait déjà une demi-page de retard, il abandonna la lutte en se disant qu'il recopierait le cours après la classe. "Comment prouver nos talents de détectives ?" se demandait-il. Il devait y avoir un moyen ! Pendant quelques minutes, il réfléchit à ce problème, sans accorder une grande attention à l'exposé du professeur.
"Regardez bien ce globe ! rugissait M.Wilkinson. Vous voyez que ces lignes-ci font le tour de la terre, au-dessus et au-dessous de l'équateur : ce sont les parallèles. Ces autres lignes sont les méridiens, qui font également le tour de la terre, mais se croisent au pôle Nord et au pôle Sud. C'est clair ?
-Oui, m'sieur ! fit en chœur la troisième division.
-Bon ! Eh bien, pendant six mois de l'année, le pôle Nord est incliné vers le soleil…comme cela !"
M.Wilkinson, secouant vigoureusement le globe, le fit basculer en grinçant sur son pivot rouillé.
"Ainsi, bien que la terre tourne sur elle-même en vingt-quatre heures, il fait constamment jour dans les régions du pôle Nord et constamment nuit au pôle Sud. Et l'inverse pendant les six mois suivants.
-Vous voulez dire qu'elle s'incline comme la mappemonde, mais sans grincer ? demanda Mortimer.
-Exactement. Et si la terre ne s'inclinait pas d'un côté ou de l'autre…" Défiant les lois de la nature, M.Wilkinson remit brutalement la terre d'aplomb. "…Eh bien, nous aurions des journées de douze heures et des nuits de douze heures pendant toute l'année. C'est clair ?…Rumbelow ?
-Oui, m'sieur.
-Compris, Morrisson ?
-Oh ! oui, m'sieur.
-Bennett ?"
Bennett regardait toujours par la fenêtre. Hawker, le gardien de nuit, traversait justement la cour de son pas traînant. On le surnommait le père Cordon, et les élèves avaient rarement l'occasion de le voir, car son travail commençait quand ils se mettaient au lit. Avec son dos voûté, sa tête jetée en avant, c'était un personnage à l'allure assez curieuse, et il avait de plus l'habitude de lancer des regards furtifs de tous les côtés, quand il vous parlait. Bennett l'avait parfois rencontré, quand il émergeait de la chaufferie, mais ne l'avait encore jamais observé attentivement. Bien sûr, il était possible que ce fût seulement un vieux bonhomme inoffensif, mais…mais…
"Bennett ! répéta M.Wilkinson, d'une voix qui aurait réveillé le somnambule le plus endurci.
-Euh…oui ? pardon, m'sieur ?
-Brrloum brrloumpff ! Réveillez-vous, mon garçon. Je vous ai demandé si c'était clair ?
-Oh ! oui, très clair. Merci beaucoup, m'sieur, répondit poliment Bennett.
-Alors, dit M.Wilkinson avec une douceur menaçante, alors aurez-vous peut-être la bonté de me 
l'expliquer ?
-Mais vous le savez déjà, m'sieur !
-Bien sûr que je le sais ! tonna M.Wilkinson. Si je ne le savais pas, je ne vous le demanderais pas !
-Je crois que vous faites erreur, m'sieur ! intervint doucement Mortimer. Vous le lui auriez demandé si vous aviez voulu le savoir pour de bon, n'est-ce-pas, m'sieur ? Mais, puisque vous le savez déjà, vous ne voulez pas le savoir. Vous voulez seulement savoir s'il sait.
-Je…je…Brrloum brloumpff ! Evidemment, je ne veux pas le savoir, et c'est bien pourquoi je le lui demande…Ou plutôt…Euh !…Peu importe ! Alors, que disais-je, Bennett ?"
Bennett fit un gros effort de mémoire.
"Vous disiez, m'sieur, que les méridiens sont des lignes parallèles qui se croisent au pôle Nord et au pôle Sud."
M.Wilkinson vire au rouge brique
"Bennett, vous êtes un cancre ! rugit-il. Si elles sont parallèles, ces lignes, comment voulez-vous qu'elles se croisent ?
-Eh bien, à mon avis, si ces parallèles se croisent, c'est parce que la terre tourne de travers.
-Tonnerre ! vous n'avez pas écouté un mot de tout ce que j'ai dit !
-Mais si, m'sieur, j'ai tout entendu ! affirma Bennett. Vous disiez que si la terre ne tournait pas, il ferait jour et nuit en même temps."
M.Wilkinson se prit la tête à deux mains, tandis que Bennett poursuivait, de plus en plus vite, désireux de montrer qu'il avait parfaitement compris :
"…Et ce serait le contraire le reste de l'année, parce que la terre met six mois pour tourner sur elle-même pendant douze heures et, les six autres mois, elle tourne dans l'autre sens."
M.Wilkinson gémit, avala péniblement sa salive, puis, faisant appel à tous ses trésors de patience, il revint au tableau noir où, à grands coups de craie, il recommença sa démonstration depuis le début.

 

 

Fin de l'extrait

 

 


BENNETT ET LA ROUE FOLLE

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Bennett s'entraîne au piano ... quelques accords lui posent un problème, qui se traduit par un son rappelant celui d'une casserole heurtant un fourneau ... M. Wilkinson travail dans la pièce à coté !

 

 

Les Flots argentés étaient une agréable mélodie, composée de trilles légers et d'accords sonores. M. Hind, le professeur de musique, avait fait répéter ce morceau à Bennett pendant plusieurs semaines, en espérant qu'il parviendrait à le jouer convenablement devant ses parents.
Bennett se tirait assez bien des douze premières mesures, mais ensuite venaient quelques accords difficiles qui lui causaient beaucoup d'ennuis... Et cet après-midi-là, ils ennuyaient également M. Wilkinson qui se trouvait obligé de faire ses moyennes au son des Flots argentés, sans cesse rabâchés dans la pièce voisine.
Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-diguedi-diguedi-pom-pom... Un silence... Puis venait l'accord dissonant : Piong! qui faisait le bruit d'un plateau de fer-blanc tombant sur le carrelage.
Les murs de la salle de musique n'étaient pas le moins du monde insonorisés. Pendant quelque temps, M. Wilkinson supporta patiemment le plateau de fer-blanc, mais il finit par jeter son crayon de désespoir.
" C'est impossible, Carter! gémit-il. Chaque fois que ce petit propre-à-rien atteint ce passage, il fait une fausse note... ou plutôt cinq ou six fausses notes à la fois si j'en juge. d'après le vacarme !
- Je ne pensais pas que vous étiez un critique musical si sévère, répliqua M. Carter en souriant. Mais vous serez habitué, d'ici qu'il ait fini.
- Ah ! il vous est facile de plaisanter ! Vous avez terminé vos moyennes, vous ! Mais moi, je dois encore relever toutes les notes de la Troisième division, en histoire, en géographie, en mathématiques, et calculer les moyennes ! Chaque fois que ce gamin tape cet horrible accord, il me fait tromper dans mes 
additions ! "
Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-pom-pom... toung ! entendait-on dans la pièce voisine.
M. Wilkinson reprit son crayon et recommença son addition. Ses lèvres s'agitaient doucement pendant qu'il calculait à mi-voix : " Quinze et douze font vingt-sept, et dix-huit, quarante-cinq... "
Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-pom-pom... toung !
" ... quarante-cinq et trois font quarante-huit, plus dix-sept... euh !... soixante-cinq, plus... "
Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-diguedi-diguedi-pom-pom...
" ... soixante-cinq et treize font... "
PIONG!
" Oh ! misère de malheur, ça recommence ! Cela ait la quatrième fois que je perds mon compte. et j'étais déjà arrivé à soixante et quelque chose ! Pas moyen de faire des moyennes avec ce sacripant qui tape sur son piano comme sur une enclume de forgeron ! "
Il recommença : " Quinze et douze font vingt-sept, et dix-huit quarante-six... euh !... non, quarante-cinq..., et trois... "
Diguedi-pom-pom... toung... Diguedi-pom-pom... toung...
Les Flots argentés commencèrent à taper sérieusement sur les nerfs de M. Wilkinson. Il se sur)rit à attendre l'accord dissonant qui devait fatalement venir... Puis il se surprit à fredonner Les "lots argentés, et parfois même à chantonner les chiffres qu'il additionnait.
Diguedi-pom-pom... toung... -Diguedi-pom-pom... toung!...
Non ! c'était impossible de continuer ainsi ! pensa M. Wilkinson. Il ne pouvait pas se permettre de perdre une minute : tous les autres professeurs avaient déjà terminé leurs moyennes et leurs bulletins, mais lui-même avait été si occupé, ces derniers jours, qu'il n'avait pu entreprendre ce travail que tout récemment. Or, le directeur attendait les moyennes de la Troisième division; il avait même envoyé deux fois quelqu'un dans la salle des professeurs pour voir si elles étaient prêtes.
" ... soixante-quinze et quatorze font quatrevingt-neuf, et dix-sept, cent six... "
Pom-pom... PIONG!
M. Wilkinson se leva d'un bond.
" Je vais y mettre fin, Carter ! rugit-il. Leçon de musique ou pas, je ne peux tolérer ce vacarme épouvantable! Cette fois, j'avais pourtant dépassé la centaine!... "
Il se rua sur le palier et pénétra en trombe dans la salle de musique. Les Diguedi-pom-pom cessèrent brusquement à son entrée.
" Ah! c'est vous, Bennett! clama-t-il. J'aurais dû m'en douter! Que faites-vous dans la salle de musique?
- De la musique, m'sieur.
- Je l'entends bien, petit funambule!... Sauf qu'on dirait plutôt un accordeur de vieilles casseroles qu'un pianiste!
- M. Hind a dit que je devais rattraper la demi-heure perdue samedi dernier. Alors, j'ai eu l'idée de venir faire ma grande répétition de fin de trimestre.
- Oh! vraiment ? Eh bien, moi aussi, je fais ma grande répétition de fin de trimestre! Et si j'entends encore votre vacarme pendant que je travaille, il y aura un grand tonnerre de fin de trimestre ! Allons, fllez ! vous reviendrez après dîner, quand j'aurai terminé.
- Oui, m' sieur. "
Bennett prit Les Flots Argentés sur le piano et les jeta sur les autres cahiers de musique qui gisaient en désordre sur le plancher.


 

Fin de l'extrait
(choisi par Serge)

 

 

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