Enid Blyton pour les peti

 

 

LES
BELLES HISTOIRES
D'ENID BLYTON

Trois histoires inédites

 

***

 

Une chatte très intelligente

Verdurette, la grenouille trop bête

Un petit chien trop gourmand

 

 

 

 

 

 

Une chatte très intelligente

 

            Le jeune Éric avait une chatte qui n’était qu’à lui et qu’il appelait Frimousse. C’était une jolie bête à la belle fourrure noire et aux yeux les plus verts que l’on eût jamais vus.

            « Frimousse a les yeux aussi verts que les concombres que tu achètes en été, maman, fit remarquer Éric à sa mère. J’aime tant Frimousse. Elle ronronne si gentiment, elle est ronde comme une boule quand elle se pelotonne sur mes genoux. C’est la meilleure chatte du monde. »

            À Noël, Éric acheta à sa chatte un beau cadeau : une corbeille neuve. Pour que Frimousse eût bien chaud, il la rembourra d’un coussin moelleux. Il y ajouta une vieille couverture, cadeau de sa mère. Ensuite, il prit Frimousse dans ses bras et l’installa dans sa corbeille.

            « Voici ton cadeau de Noël, Frimousse, annonça Éric, avec toutes mes amitiés. »

            Puis, se tournant vers sa mère :

« Maman, tu permets que je garde Frimousse dans ma chambre ? Dis oui ! Elle est très sage, elle ne ferait pas de saletés, je te le promets. »

            La mère d’Éric leva les bras au ciel. Un chat qui coucherait dans la chambre de son fils ! Mais Frimousse était si propre et si intelligente qu’elle accepta sans protester.

            Ravi, Éric porta la corbeille de sa chatte dans sa chambre.

            « Voilà ! dit-il à Frimousse qui l’avait suivi. Désormais tu coucheras dans ma chambre chaque soir. Je laisserai la fenêtre entrebâillée afin que tu puisses entrer et sortir à ta guise. Tu pourras facilement grimper le long de l’arbre contre le mur et sauter à l’intérieur si tu es dehors à l’heure où je me mets au lit. »    

            Frimousse était enchantée. Elle ronronna pour exprimer son contentement.

            « Merci beaucoup, Éric, dit-elle, c’est une bien jolie corbeille et elle me fait grand plaisir. Quel gentil petit garçon tu es ! »

            Pendant trois ou quatre mois, Frimousse dormit dans la chambre de son jeune maître. Puis, un matin, Éric en se réveillant poussa de tels cris de joie que sa mère arriva en courant dans sa chambre en se demandant si son fils n’était pas subitement devenu fou !

            « Maman, maman ! s’écria-t-il. Frimousse a eu des petits. Regarde : quatre chatons mignons ! N’est-ce pas que ce sont des amours ?

            — En effet, convint maman, en souriant de l’exubérance de son fils. Mais maintenant, mon chéri, Frimousse descendra à la grange avec ses bébés. Cinq chats dans ta chambre, c’est trop !

            — Quatre d’entre eux sont encore tout petits, protesta Éric les larmes aux yeux. Frimousse a tant l’habitude de coucher dans ma chambre. Je t’en prie, laisse-la-moi. Elle aura beaucoup de chagrin si tu l’obliges à coucher dans la grange. Et puis, là-bas, les rats risquent de s’attaquer à ses jolis chatons.

            — Rassure-toi, Frimousse fera bonne garde, répondit sa mère. De son temps, elle a tué je ne sais combien de souris. Allons, ne fais pas cette tête, mon petit Éric. Il faut que ta chatte et ses chatons aillent dans la grange. Les bottes de paille feront de chaudes litières. Elle y sera très bien avec ses petits.

            — Elle me manquera et, j’en suis sûr, moi aussi, je lui manquerai » gémit le pauvre Éric.

            Mais maman ne se laissa pas fléchir. Frimousse et ses petits furent donc obligés de déménager de la chambre du jeune garçon le jour même. La mère d’Éric prit dans ses bras les quatre chatons nouveaux-nés et, suivie de Frimousse, elle descendit dans la grange.

            Frimousse fabriqua un lit avec de la paille pour ses enfants et se coucha. Mme Simon posa les petits chats à terre ; ils se précipitèrent vers leur mère et se blottirent contre sa chaude fourrure. Frimousse ronronna.

            « Tu vois, elle est bien contente ! » dit Mme Simon à Éric.

            Mais quand vint l’heure du coucher, Éric, en voyant la corbeille vide de sa chatte, fut chagriné. Soudain, il entendit un petit bruit : Frimousse d’un bond venait de sauter dans sa chambre !

            « Oh ! Frimousse, je te manque ? fit-il surpris. Ta corbeille te manque aussi, n’est-ce pas ? Mais maman ne veut pas que je mette ta jolie corbeille en bas dans la grange. Elle assure que vous aurez chaud dans la paille qui vous sert de litière, à toi et à tes petits. Viens que je te caresse ! Voilà, maintenant tu peux retourner auprès de tes enfants ! N’aie pas de chagrin parce que tu ne couches plus ici ! »

            Dans la grange, les chatons grossirent, grossirent. Leurs yeux s’ouvrirent ; ils étaient bleus. Maman dit à Éric qu’ils deviendraient verts quand ils auraient atteint l’âge adulte. Bientôt, les bébés de Frimousse quittaient leur litière de paille pour jouer avec leur mère et avec Éric. Celui-ci aimait les petits de Frimousse de plus en plus, mais il souhaitait toujours que sa mère lui permît de les élever dans la maison.

            Or, une nuit, environ quatre semaines après la naissance des chatons, Éric se réveilla en sursaut. Il entendait frapper contre sa fenêtre fermée. Toc, toc, toc ! C’étaient des coups discrets à peine perceptibles. Intrigué, Éric ouvrit la fenêtre. Aussitôt, Frimousse sauta à terre, portant un chaton par la peau du cou, à la manière dont toutes les mères chattes portent leur petit. Elle le laissa tomber dans la corbeille posée au pied du lit d’Éric, poussa un petit miaulement, puis s’enfuit de nouveau par la fenêtre et glissa le long de l’arbre.

            Éric fut stupéfait.

            « Frimousse, qu’est-ce qui te prend d’apporter tes chatons dans ma chambre ? Tu sais bien que maman te l’a interdit ! »

            Un instant plus tard, la chatte revint, portant cette fois un autre chaton dans sa gueule. Éric ne savait que penser. A quoi rimait ces allées et venues de sa chatte ? En avait-elle assez d’habiter dans la grange ? Pourquoi s’était-elle mise dans la tête de ramener ses petits dans la chambre de son jeune maître ? La chambre où elle avait couché pendant plusieurs mois et où elle avait mis bas ses chatons ? C’était à n’y rien comprendre.

            A ce moment, une drôle d’odeur arriva jusqu’aux narines d’Éric : une odeur de fumée ! Il renifla. Oui, c’était bien de la fumée ! Mais d’où venait-elle ? Et qui aurait eu l’idée de brûler le tas de feuilles mortes dans le jardin à cette heure de la nuit ?

            Le jeune garçon descendit quatre à quatre l’escalier, juste comme Frimousse franchissait d’un bond la fenêtre, son troisième chaton dans la gueule. Il sortit en courant de la maison et se dirigea vers la grange. Des nuages de fumée s’en échappaient !

            « Au feu, au feu ! cria Éric à tue-tête. Maman, papa, on a mis le feu à la grange ! Vite ! vite ! »

            Il vit Frimousse quitter la grange incendiée, tenant dans sa gueule son quatrième et dernier chaton.

            « Brave Frimousse ! s’exclama-t-il. Que tu es intelligente d’avoir secouru tous tes chatons toi-même ! Qui sait aussi si tu n’auras pas sauvé notre grange ! Ah ! si seulement maman et papa pouvaient se dépêcher ! »

            Il ne fallut pas longtemps aux grandes personnes pour maîtriser le feu. Elles dirigeaient des jets d’eau sur la grange à l’aide de tuyaux d’arrosage. A l’intérieur, un vagabond pelotonné contre une botte de paille dormait profondément. Il avait allumé une bougie et s’était endormi sans la souffler. Celle-ci était tombée sur la paille qui aussitôt s’était enflammée.

            Quelques minutes plus tard, l’incendie fut éteint. Le vagabond se frottait les yeux, réveillé par la fumée épaisse et les cris des habitants de la ferme.

            Éric raconta à tout le monde ce qui s’était passé.

            « Frimousse a porté ses chatons dans ma chambre où elle couchait et où est sa corbeille. C’est elle qui m’a réveillé. Ça sentait le brûlé. Je suis donc sorti pour me rendre compte et j’ai vu la grange en flammes. Maman, papa, Frimousse a sauvé notre grange et, en même temps, la vie de ce vagabond ! »

            Tous rentrèrent dans la maison, heureux et surexcités. Avant de se coucher, Mme Simon passa la tête à la porte de la chambre d’Éric et sourit :

            « Eh bien, mon chéri, je suppose que cette fois je suis bien obligée de te laisser Frimousse et ses chatons dans ta chambre ! annonça-t-elle. En récompense du fameux service qu’elle nous a rendu. Un peu plus, et notre grange était en cendres ! »

            Frimousse coucha donc dans sa corbeille, entourée de ses quatre chatons. Éric était au comble du bonheur. Mais quand les petits de Frimousse eurent six semaines, ils réveillaient Éric en grimpant sur son lit et en lui mordillant le bout du nez ! Aussi le jeune garçon finit-il par emporter les chatons à la cuisine !  

            « Dès que tes enfants auront trouvé des maîtres, tu reviendras coucher dans ma chambre, promit Éric à Frimousse. Tu seras contente, n’est-ce pas ?

     Miaou » répondit Frimousse.

Et Éric savait très bien ce que signifiait ce miaulement !

 

  

Livre original : The Yellow Story Book
Titre de la nouvelle originale: Clever Old Green-Eyes
Traduit de l’anglais par Sreekrishnan Srinivasan

(Août 2008)

               

            ***

               

Verdurette, la grenouille trop bête

 

 

            En été, Verdurette la grenouille s’amusait beaucoup. Avec ses frères et ses sœurs, ses tantes et ses oncles, ses cousins et ses cousines, elle habitait l’étang, nageait dedans et coassait toute la journée.

            Un matin, Verdurette quitta l’étang et trouva un gîte très confortable dans un fossé humide. De l’herbe grasse y poussait et, comme ce fossé sentait mauvais, des essaims de mouches y voletaient. Verdurette aimait beaucoup les mouches. Dans son fossé, elle s’en régala. Aussi ne tarda-t-elle pas à devenir grosse et forte.

            « Que je voudrais aussi pouvoir attraper des mouches avec ma langue comme toi ! soupira le rouge-gorge, qui habitait dans la haie en bordure du fossé. Moi, je suis obligé de leur voler après et, souvent, elles sont trop rapides pour moi ! Toi, tu te contentes de t’asseoir dans l’herbe à attendre qu’une mouche bourdonne autour de toi. Alors, tu sors ta langue et hop ! tu l’attrapes en un clin d’œil. C’est merveilleux à voir ! »

            En entendant ces paroles, Verdurette se rengorgea. Puis elle s’adressa au rouge-gorge.

            « En effet, je suis pourvue d’une langue pas comme les autres. »

            Aussitôt, elle tira sa longue langue visqueuse pour la faire admirer au rouge-gorge.

            « Vois-tu, ma langue est attachée à l’avant de ma gueule, au lieu d’être attachée à l’arrière, continua-t-elle. C’est ce qui lui permet d’aller très loin. De plus, elle est si gluante que les mouches ne peuvent pas s’envoler une fois qu’elles se posent dessus. Figure-toi que si toi aussi tu avais une langue aussi longue que la mienne, tu n’aurais pas besoin de perdre ton temps à voler après les mouches bleues et les faucheux ! Tu n’aurais qu’à rester assis, il te suffirait de te servir de ta langue. »

            A ce moment, un gros rat qui cherchait son repas fit halte. Verdurette le vit aussi. Aussitôt elle bondit en l’air, si haut que le rat sursauta de frayeur. Il poussa un petit cri et décampa à toute vitesse.

            « Ça alors ! s’écria le rouge-gorge transporté d’admiration. Tu es même capable de faire peur aux rats, et Dieu sait si les rats sont féroces. Comment fais-tu pour sauter si haut ? »

            Verdurette fut sensible à ce compliment.

            « J’ai les pattes de derrière très puissantes, expliqua-t-elle. Très, très puissantes. Je n’ai qu’à les allonger, alors, elles me propulsent dans les airs ! Si tu avais des pattes aussi fortes que les miennes, tu n’aurais pas à tant craindre les ennemis !

—Je voudrais bien, répondit le rouge-gorge en regardant ses propres pattes qu’il trouva très petites et très minces. Tout de même, j’ai des ailes et je crois qu’elles valent mieux que la plus puissante des pattes ! 

—Ce n’est pas vrai » riposta la grenouille.

Mais le rouge-gorge s’était déjà envolé.

Restée seule, Verdurette médita les paroles du rouge-gorge. Elle se sentait pénétrée du sentiment de son importance.

« Que je suis intelligente ! se dit-elle. J’attrape mon repas sans même être obligée de bouger autre chose que ma langue. Je peux même effrayer les rats en bondissant en l’air. »

Elle se rendit chez son ami Rampeur, le crapaud, qui habitait sous une pierre non loin de là.

« Bonjour, dit-elle à son ami en arrivant chez lui. Quel dommage que tes pattes n’aient pas la force des miennes ! Pauvre petit, que c’est ennuyeux de se déplacer en rampant !    

—Pourquoi me plains-tu ? demanda le crapaud. Je suis très bien comme je suis. Te voilà bien orgueilleuse, Verdurette ! Va-t’en ! Un jour, tu t’en repentiras ! »

Verdurette s’éloigna. Elle croisa bientôt Pique-Pique, le hérisson à qui elle adressa la parole.

« Pourquoi cours-tu comme cela après les sauterelles et les scarabées ? Pourquoi ne t’assois-tu pas tranquillement comme moi à attendre qu’ils viennent à toi ?

—Tu te crois un génie, n’est-ce pas ? répliqua le hérisson d’un ton insolent. Garde tes conseils pour toi. Si tu penses que mon dîner viendra tout seul, tu es stupide ! Les grenouilles sont des créatures stupides ! 

—Bien sûr que non ! dit aussitôt Verdurette au comble de la fureur. Laisse-moi te dire ceci : je suis la grenouille la plus intelligente du monde. Même le rouge-gorge pense que je suis merveilleuse !  

—Miséricorde ! fit Pique-Pique. Eh bien, pourquoi ne demanderais-tu pas à tes congénères de te proclamer leur reine ? »

Sur ce, le hérisson se sauva à toutes pattes, en quête de vermisseaux.

« Quelle bonne idée, pensa Verdurette en se rappelant les paroles de Pique-Pique. Je crois en effet que je vais demander aux grenouilles de faire de moi leur reine. D’ailleurs, puisqu’elles n’ont pas de reine, pourquoi ne serais-je pas la leur, moi qui suis si savante et si intelligente ? Je suis sûre que je ferais une excellente reine et j’inventerais toutes sortes de lois ! »

Sur le chemin du retour, Verdurette rencontra Dormi, la marmotte.

« Je serai bientôt la reine des grenouilles, annonça-t-elle à Dormi.

—Pour quoi faire ? demanda Dormi surprise. Tu es si bête, tout le monde le sait !

—Alors, tu te trompes, répondit Verdurette. Et les autres aussi ! Je suis au contraire très maligne. Je vais bientôt faire de nouvelles lois ! Si tu n’y obéis pas, gare à toi !

—Eh bien, fais tes lois si tu veux mais personne ne s’y pliera, tu verras ! » répliqua Dormi en partant à la recherche de graines et de glands qui figuraient au menu de son dîner.

Verdurette continua son chemin tout en bondissant. Couic, l’écureuil roux, la vit passer par sauts et par bonds et courut le long de son arbre pour lui dire un mot.

« Bonjour ! salua-t-il de sa voix flûtée. Imprudente ! Pourquoi montes-tu ainsi si haut en l’air ? Tu risques d’être vu par un ennemi !

—Je viens de mettre un rat en fuite, répondit Verdurette en s’arrêtant. Je n’ai peur de personne. Je serai bientôt la reine des grenouilles ! »

Couic se mit à rire.

« Toi ! s’exclama-t-il d’un ton moqueur. Toi qui n’es qu’une petite grenouille sotte, sans doute un peu plus sotte que tes frères et tes sœurs ! D’ailleurs, les grenouilles n’ont pas de cervelle !

—Pourquoi le dis-tu ? demanda Verdurette qui se sentait offensée.

—D’abord, que faites-vous l’hiver, vous autres grenouilles ? interrogea Couic. Vous vous tenez la tête en bas dans la vase des étangs ! Drôle de façon de passer l’hiver ! A-t-on jamais vu chose pareille ?

—Et toi, qu’est-ce que tu fais, toi, l’hiver ? demanda Verdurette de plus en plus irritée.

—Moi, je suis très intelligent, répondit l’écureuil en se bombant le torse. Vraiment très intelligent. Je fais provision de noix, que je cache çà et là. Et, quand vient l’hiver, je me blottis dans le creux d’un arbre – non au fond d’un étang ! – et je ne bouge plus. Les jours où il fait moins froid, je quitte mon abri pour me nourrir de mes noix. Je ne perds pas tous les jours d’hiver à dormir comme toi !

—Quand je serai devenue reine, je ferai de nouvelles lois, déclara Verdurette en prenant son air le plus orgueilleux. J’ordonnerai à toutes les grenouilles de mettre des provisions de côté en prévision des jours froids. Je leur défendrai de plonger dans l’étang pour y dormir. Alors nous serons aussi intelligentes que toi.

—Essaie si tu veux, mais jamais tu n’y réussiras » affirma Couic en grimant dans son arbre.

Verdurette rentra chez elle et fit entendre un coassement sonore. Elle savait que la plupart des autres grenouilles vivaient aux alentours de l’étang, tapies sous des touffes d’herbes ou blotties au milieu des fougères. Bientôt, ce fut un beau concert de coassements et toutes les grenouilles sortirent de leurs demeures pour voir ce que leur voulait Verdurette.

« Chères grenouilles, je suis votre reine ! cria-t-elle. C’est moi qui désormais vous gouvernerai. Je veux que toutes les autres créatures sachent comme les grenouilles sont intelligentes. Cherchez dès maintenant votre nourriture pour la mauvaise saison, afin que vous ne soyez pas obligées de dormir dans la mare boueuse lorsque l’hiver sera là. Alors, nous aurons de quoi manger, nous pourrons jouer dans les champs et nous amuser.

—Sois reine puisque tu y tiens, répliquèrent les grenouilles. Nous n’y voyons pas d’inconvénient. »

Sur ces mots, toutes les grenouilles rentrèrent dans leurs cachettes.

« Me voici reine du royaume des grenouilles ! se dit Verdurette satisfaite. C’est vrai qu’elles n’avaient pas l’air contentes quand je leur ai annoncé la nouvelle. Elles n’ont pas non plus promis d’obéir à mes ordres. De toute façon, je suis leur reine, c’est l’essentiel. »

Elle dit à qui voulait l’entendre qu’elle était devenue reine. Elle se fit une couronne d’herbes tressées qu’elle mit sur sa tête. Elle fut comblée d’aise quand un escargot en passant l’appela : « Votre Majesté ».

L’été s’acheva. L’automne lui succéda. Au début, le temps était doux, mais bientôt, une bise glacée se mit à souffler ; les nuits devinrent glaciales. Toutes les grenouilles à l’exception de Verdurette coururent vers l’étang et plongèrent dedans. Elles nagèrent jusqu’au fond vaseux et ne firent plus un mouvement. Les grenouilles redoutaient le froid ; aussi ne désiraient-elles que dormir et l’oublier.

Verdurette se mit à frissonner. Elle voulait attraper des insectes pour quand le froid commencerait à se faire sentir. Hélas ! elle n’en trouva pas. Le gel les avait tués tous. Elle était affamée et malheureuse. Elle pensait avec envie à l’étang au fond duquel elle pourrait dormir et oublier ses malheurs.

Un jour, Verdurette n’y put plus tenir. Elle n’avait rien eu à manger depuis quatre jours. Elle était maigre et grelottait de froid.

« J’irai à l’étang, décida-t-elle enfin. Tant pis pour mes lois et mes ordres. »

Elle n’avait plus fière allure, elle qui s’était crue si maligne !

En quelques bonds, elle arriva à l’étang. Chose curieuse, sa surface avait changé du tout au tout ! Verdurette fut surprise. Elle se demandait ce qui était arrivé à l’eau de l’étang ! Elle sauta dessus mais le contact fut si dur et si froid qu’elle se hâta de se hisser sur la berge.

« Quelqu’un a fermé l’étang avec un couvercle » se dit la pauvre Verdurette.

Elle ne savait pas que l’étang était pris par les glaces. Elle chercha en vain de trouver un moyen pour entrer dedans. Enfin elle se décida à aller chercher de l’aide chez son ami le crapaud.

Par malheur pour elle, Rampeur douillettement installé sous sa pierre était plongé dans un sommeil si profond qu’il ne se réveillerait pas avant plusieurs semaines. Verdurette s’en alla donc au trou de Pique-Pique au bord de l’étang.

            Hélas ! Pique-Pique, couché en rond parmi les feuilles mortes qui remplissaient son trou, n’ouvrirait pas l’œil de tout l’hiver. Il fallait qu’un rayon de soleil se montrât pour le tirer de sa torpeur !

            Alors, Verdurette se dirigea vers la maison de Dormi, une cavité bien chaude sous les racines d’un grand pin. Mais seul le silence répondit aux coassements désespérés de Verdurette. Dormi dormirait tout l’hiver sans s’éveiller une minute.

            « C’est terrible, pensa Verdurette prise de panique. Tous mes amis dorment. Que vais-je devenir ? Si seulement je pouvais plonger dans cet étang ! Si seulement on en soulevait le couvercle pour me laisser entrer ! Pourquoi me suis-je proclamée reine ? J’ai été stupide ! »

            Elle entendit un bruit de pattes précipitées et vit passer Couic, l’écureuil roux.

            « Bonjour ! dit Couic. Que c’est bizarre de te voir par ce temps ! Je retourne à mon creux dans l’arbre. Le froid sera encore plus rigoureux et je ne me réveillerai que lorsque la mauvaise saison sera passée.

            —Couic, sais-tu qui a posé cet horrible couvercle sur l’étang ? coassa la pauvre Verdurette. J’ai beau essayé de l’enlever, il ne veut pas bouger.

            Couic se mit à rire.

            « Il ne s’agit pas d’un couvercle, personne ne l’a mis là. C’est de la glace. Elle vient toute seule.

            —Mais je veux plonger dans l’étang, s’écria la pauvre grenouille, à demi morte de froid.

            —Laisse-moi réfléchir, dit le bon Couic saisi de pitié. Il y a au bord de l’étang un endroit où la glace n’est pas trop dure. Essayons d’y creuser un trou. »

            Couic emmena Verdurette au bord de l’étang à l’endroit où la glace était mince. En la grattant de ses griffes, il réussit à faire un tout petit trou.

            « Crâ ! crâ ! » cria Verdurette ravie et, avec un petit floc, elle disparut dans ce trou.

            Elle atteignit le fond de l’étang à la nage et, avec délices, elle enfonça sa tête dans la vase. Aussitôt, elle s’endormit. Elle était en sécurité. Elle faisait ce que devait faire toutes les grenouilles l’hiver. Verdurette resterait ainsi jusqu’au début du printemps.

            « Quelle écervelée, cette Verdurette, se dit Couic en regagnant son arbre. Elle se croyait si intelligente qu’elle voulait devenir reine. Pourtant, elle ignorait qu’elle devait dormir dans son étang au cours de l’hiver. Eh bien ! J’ai raison. Les écureuils sont les créatures les plus intelligentes de la terre, et les grenouilles les plus sottes ! »

            Lui aussi se mit en boule et s’endormit. Alors, seuls les rats, les lapins, les belettes et les hermines restaient éveillés. Le givre et la neige recouvraient tout d’un manteau blanc. Heureusement que Verdurette dans son étang était à l’abri.

Je ne pense pas que, l’été prochain, elle portera une couronne d’herbes tressées sur la tête ni qu’elle aura envie d’être reine. Et vous ?    

           

                                                        

Livre original : The Yellow Storybook
Titre de la nouvelle originale : Big-Eyes the Frog
Traduit de l’anglais par Sreekrishnan Srinivasan

(Août 2008)

 

 

***

           

Un petit chien trop gourmand

 

            Fanfan, le petit chiot grassouillet, appartenait à Martine. Il était adorable avec son pelage blanc, ses yeux noirs, ses oreilles pelucheuses. Son petit corps se terminait par une longue queue qu’il remuait à toute vitesse quand il était heureux et qu’il rabattait entre les pattes lorsqu’il se trouvait malheureux.

            Martine et son chiot s’amusaient follement ensemble. Très espiègle et très joueur, Fanfan faisait des quantités de farces, de bonnes parties de balle, beaucoup de bêtises ! Il avait pour plus grand plaisir de mâchonner les paillassons et les pantoufles qui traînaient un peu partout dans la maison.

            Le chiot de Martine grandissait rapidement, mais il devenait aussi de plus en plus gourmand. Le nez en l’air ou au ras du sol, il passait le plus clair de son temps à chercher de quoi manger. Il parcourait la maison de haut en bas en quête de miettes de gâteaux oubliées par les souris. Un jour, il poussa même l’audace jusqu’à aller renifler autour de la table de la salle à manger mais, étant encore tout minuscule, il ne put en atteindre la surface. Cependant, l’intelligent petit chien découvrit bien vite qu’en grimpant sur une chaise, puis en en escaladant le dossier, il pouvait sans peine sauter sur la table.

            Et alors, quel festin s’offrit le jeune Fanfan ! D’un coup de museau, il poussa le couvercle d’un plat d’où émanait d’exquises odeurs et hop ! en un clin d’œil, il eut dévoré les six rondelles de saucissons préparées par la femme de ménage pour le déjeuner. Satisfait, la langue pendante, il s’assit au milieu de la table et, dans sa gaieté, il agita la queue si fort qu’il envoya rouler la salière et la poivrière à l’autre bout de la salle à manger !

            Pour le punir, v’lan ! Martine lui donna une tape.

            « Vilain chiot ! tu deviens trop gourmand ! lui cria-t-elle. Pourtant, je te donne ta pâtée deux fois par jour ; tu ne devrais donc pas être si affamé. »

            Après cet incident, Fanfan eut le bon sens de se tenir loin de la table. Ce qui ne l’empêcha pas de chercher ailleurs des biscuits ou des morceaux de sucre ou de viande.

            Un jour, la femme de ménage venait de poser un beau gigot sur un rayon du garde-manger dont elle ferma la porte. Fanfan renifla et poussa un jappement de joie.

            « De la viande ! se dit-il dans sa petite tête de chien. Elle est sûrement pour moi ! Où l’a-t-on mise ? »

            Guidé par son flair, le chiot arriva devant la porte du garde-manger. Celle-ci était fermée. Aussi Fanfan se blottit-il sous l’évier et patienta.

            Il n’eut pas longtemps à attendre. Au bout d’un moment, la femme de ménage retourna au garde-manger chercher du beurre. Fanfan la vit et, silencieux comme une ombre, il la suivit à l’intérieur. La brave femme ne s’aperçut de rien. Profitant de ce qu’elle avait le dos tourné pour prendre le beurrier sur le rayon, il se cacha derrière la porte jusqu’à ce qu’elle fût sortie et eût refermé la porte.

            Alors, le petit chien fut au comble de la joie. Sa viande tant convoitée était toute proche !

            Fanfan essaya de sauter sur le rayon où s’alignaient tous ces bons plats. Celui-ci était si haut qu’il ne put y parvenir. De nouveau, il tenta l’escalade et, cette fois, il fut récompensé de sa peine. Tout heureux, le jeune chien courut vers l’assiette qui portait le gigot. Miam ! que c’était bon !

            Le gourmand petit chiot mordit dans le gigot qu’il trouva succulent. Ce rayon était encombré d’assiettes et de plats qui contenaient des mets plus délicieux les uns que les autres. Il avança une patte dans une jatte de crème fouettée, il s’assit en plein milieu d’un pâté en croûte, il heurta un pot à lait qui tomba et se cassa en mille morceaux. Patatras !

            Attirée par le bruit, la femme de ménage vint voir ce qui se passait dans le garde-manger. Lorsqu’elle aperçut le petit chien assis sur un rayon en train de mordiller dans son gigot, elle fut prise de colère. Elle empoigna un balai et pan ! elle en donna un bon coup à Fanfan qui sauta à bas de l’étagère et sortit en courant dans le jardin en poussant des jappements terrorisés.

            Au bruit des aboiements plaintifs de son chien, Martine accourut. Quand la femme de ménage lui apprit que Fanfan avait fait des dégâts dans le garde-manger, la petite fille se fâcha et le gronda très fort.

            « Désormais, tu seras à l’attache dans ta niche, méchant Fanfan ! décréta-t-elle. Tu es un chien chipeur !

            — Ne lui permettez plus de mettre la patte dans la maison, mademoiselle, renchérit la femme de ménage. Quand je pense à tous ces plats qu’il a renversés. Quel gâchis ! Qu’il reste dans sa niche, c’est sa place ! »

            Le pauvre Fanfan fut donc obligé de rester dehors. Il était profondément chagriné mais il n’y avait rien à faire. La femme de ménage lui claquait la porte au nez chaque fois que le chiot trottinait du côté de la cuisine. Martine le poussait dehors s’il tentait d’entrer par toute autre porte de la villa.

            « Non, Fanfan, lui dit-elle fermement, ta place est dans la cour. Tu es vraiment trop glouton. Qui sait si tu ne recommenceras pas ! Je n’ai plus confiance en toi. »

            Force fut donc à Fanfan de chercher sa nourriture dans la cour. Il guettait le passage des fournisseurs ; il aimait beaucoup le garçon boucher qui sentait si bon la viande et aussi le commis du poissonnier.

            Un jour, ce jeune garçon qui faisait sa tournée à bicyclette, s’arrêta devant la maison de Martine. Il mit pied à terre et prit dans le panier de son vélo une grosse carpe qu’il porta dans la maison. Pendant sa courte absence, Fanfan, alléché par l’odeur du poisson, se dirigea vers la bicyclette du livreur et renifla le panier. L’odeur lui en parut agréable. D’un seul coup de pattes, il fit tomber le panier qui laissa échapper son contenu. Le vilain chien ne se tint plus de joie. Il déchira le papier mouillé qui enveloppait les poissons et s’assit pour les déguster.

            A ce moment, le jeune homme, qui sortait de la maison, vit Fanfan. Il ne put supporter ce spectacle. On le comprend ! Sans perdre une seconde, il ramassa une pierre et, de toutes ses forces, la lança à Fanfan. Atteint au dos, le chiot hurla de douleur.

            « Je vous défends de faire du mal à mon chien ! cria Martine que ce hurlement avait alertée. Qu’a-t-il fait ?

            — Il a volé les poissons qui étaient dans mon panier et il les mange, répondit le garçon-livreur sur le même ton. Ces poissons, vous devez me les acheter, mademoiselle. »

            Martine fut obligée de sortir un billet de son porte-monnaie pour payer le fournisseur. Quand il fut parti, elle se tourna vers son chien et lui adressa une vive semonce.

            « Vilaine bête ! Si tu t’avises de recommencer, gare au fouet ! » menaça-t-elle de sa voix la plus sévère.

            La queue entre les pattes, Fanfan s’éloigna. Il était très malheureux mais il n’approcherait plus des bicyclettes des garçons-livreurs, de peur que sa jeune maîtresse ne mît sa menace à exécution.

A quelques jours de là, Fanfan accompagna le père de Martine au marché. Pendant que celui-ci faisait ses achats, le jeune chien courait de-ci de-là, croquant ici une tête de poisson, là un friand morceau de jambon. Jamais le petit chien ne s’était autant régalé.

Le lendemain, Fanfan décida de faire le tour du marché, mais cette fois, il irait seul ! C’était un petit chien indépendant et gourmand.

D’abord, il alla à la boucherie, dans l’espoir de mendier au boucher un bel os garni de viande. Mais une déception l’attendait. Dès que le boucher vit le petit chien entrer dans sa boutique, il brandit sa hachette. Sans demander son reste, Fanfan battit en retraite.

Cette fois, le chiot de Martine se rendit à la pâtisserie. Mais là aussi, son espoir fut déçu. La fille du tenancier, aussitôt qu’elle aperçut Fanfan sur le pas de la porte, lui déversa à la tête l’eau d’un seau. Plouf ! Trempé, dépité, le petit chien s’enfuit de toute la vitesse de ses pattes.

Non content de ses mésaventures, Fanfan continua sa promenade avec l’espoir de trouver de quoi manger à l’épicerie.

Hélas ! le pauvre petit chien, cette fois encore, joua de malchance. En voyant l’intrus dans son domaine, le chat de l’épicier, un gros matou noir, cracha de façon alarmante et sortit ses griffes acérées. Il n’en fallut pas plus pour mettre Fanfan en fuite !

« Comme c’est triste, lamenta Fanfan de retour dans sa niche. Adieu, les bons morceaux de viande, de gâteau, les appétissantes odeurs du marché ! Personne ne veut de moi, moi qui ai justement une de ces faims ! »

Fanfan ne se trouvait vraiment pas à plaindre, car sa maîtresse lui servait sa pâtée matin comme soir. Mais glouton comme il l’était, il ne pensait qu’à manger. Enfin le petit chien trouva une solution : la poubelle !

Des restes de repas, des os, des pelures de fruits étaient jetés à la poubelle. Quelle bonne trouvaille ! Rien que d’y penser, Fanfan se pourlécha les babines.

« Puisqu’on me chasse de la boucherie, de la pâtisserie, de l’épicerie, je vais explorer la poubelle ! » se dit le chiot.

Cette décision prise, Fanfan trottina vers le coin de la cour où la poubelle était placée. Par malheur, un couvercle la fermait. Comment entrer ?

En se tenant sur ses pattes de derrière, il pourrait déloger le couvercle en s’aidant de son museau noir. Une minute plus tard, poum ! le couvercle roulait à terre. Aussitôt, Fanfan se recula de quelques pas, prit son élan et atterrit dans la poubelle.

Des os, des épluchures de pommes de terre, des cendres, de quoi se régaler ! Le petit chien s’en donna à cœur joie.

Soudain, des pas résonnèrent dans l’allée. Pris de peur, Fanfan se fit tout petit. La femme de ménage arriva et vida un plein sac de feuilles de thé que le pauvre Fanfan reçut sur la tête ! Quelle surprise pour lui !

« Mon Dieu ! s’exclama la femme de ménage. Quelle imprudence ! Quelqu’un a ouvert la poubelle et a oublié de la refermer. Les mouches ne vont pas tarder à venir pondre leurs œufs dans ce détritus. »

Clac ! le couvercle fut remis à sa place. Fanfan tout à coup se trouva en pleine obscurité. Cela ne lui plut pas du tout.

La femme de ménage avait regagné la cuisine. Le chiot donna un coup de museau au couvercle afin de le faire tomber. Peine perdue ! celui-ci ne bougea pas d’un centimètre. Le pauvre chien était bel et bien prisonnier !

« La prochaine fois qu’on viendra ouvrir la poubelle, je sauterai hors d’ici, pensa Fanfan. Pouah ! Qu’elles ont mauvais goût, ces feuilles de thé ! »

Mais le pauvret en fut pour ses frais. Vous saurez pourquoi.

Quelques instants plus tard, un homme entra dans la cour, souleva le couvercle de la poubelle et la mit sur ses épaules. Fanfan tremblait d’effroi ! Que se passait-il donc ? Le petit chiot n’osa pas sauter à terre, tant il était affolé.

C’était l’éboueur qui était venu vider la poubelle ! Le brave homme ne se douta pas qu’il portait un chien en plus des déchets ménagers. Il se demandait simplement pourquoi la poubelle pesait plus lourd que d’habitude !

Il porta la poubelle à son camion, gravit la petite échelle fixée à un côté et vida les détritus dans la benne. Cela fait, il descendit de l’échelle en fredonnant un petit air, traversa la cour et remit la poubelle à sa place.

Fanfan avait été vidé avec les feuilles de thé, les pelures de légumes, les restes de repas ! Il en fut si ébahi qu’il ne poussa pas le moindre jappement.

L’éboueur prit place près du chauffeur qui mit le moteur en marche ; le camion s’éloigna, Fanfan à son bord ! Secoué par les cahots de la route, incommodé par les odeurs des ordures, le chiot se mit à gémir. En entendant ce bruit insolite, l’éboueur et le chauffeur s’interrogèrent du regard.        

« Que c’est bizarre ! dit l’un. Tu as entendu ?

— Eh comment ! on dirait un gémissement de chien, fit remarquer l’autre.

— Qui aurait l’idée de mettre un chien à la poubelle ! » dit le premier en riant aux éclats.

            Les deux hommes ne surent que penser. Fanfan poussa un nouveau jappement.

            « J’entends aboyer, reprit le chauffeur. C’est vraiment extraordinaire ! »

            Il arrêta son véhicule. L’éboueur gravit de nouveau l’échelle et risqua un œil à l’intérieur.

            D’un bond, Fanfan fut sur la route, un Fanfan couvert d’épluchures de pommes de terre, de cendres, de feuilles de thé, de fragments de porcelaine, de fleurs fanées ! A le voir ainsi, personne ne l’aurait pris pour un chien !

Vous imaginez l’ahurissement de l’éboueur !

« Tiens, Jean, fit-il en s’adressant au chauffeur, tu as vu ce petit tas d’ordure qui a sauté du camion ? Il était muni de pattes ! »

Très intrigués, les deux bonshommes reprirent leur route en se demandant s’ils n’avaient pas rêvé.

Fanfan courut chez sa maîtresse, déconfit et malheureux. Martine le vit arriver sur la route, petite boule de fourrure sale !

« Tu as fourragé dans la poubelle, vilaine bête ! s’écria la petite fille furieuse. Tu mériterais d’être fouetté ! Mais avant, il faut que je te donne un bain, tu sens si mauvais ! »

Fanfan avait horreur des bains, mais il savait qu’il n’échapperait pas à celui-ci. Tandis que Martine le tenait fermement dans le baquet rempli d’eau savonneuse et que la femme de ménage le frottait, Fanfan résolut, dans sa petite tête de chien, de n’être plus aussi glouton.

« Je ne dirai à personne que j’ai été enfermé dans une poubelle » décida-t-il.       

Et il garda le silence.

Par malheur pour lui, la chatte du voisin qui, ce jour-là, se chauffait au soleil sur le mur, avait tout vu. Et elle se chargea de faire le récit des aventures de Fanfan à tous les chats et à tous les chiens du voisinage. Aussi, chaque fois que le petit chien se promenait dans la rue ou dans son jardin, un chien ou un chat l’interpellait-il d’un ton sarcastique :

« Bonjour, petit chien de poubelle ! As-tu bien déjeuné aujourd’hui ? »

Alors Fanfan baisse le nez et s’éloigne tristement. C’est vraiment dommage mais, après tout,  c’est sa faute, n’est-ce pas ?

           

   

 

Livre original : The Yellow Storybook
Titre de la nouvelle originale : Greedy Gubbins
Traduit de l’anglais par Sreekrishnan Srinivasan

(Août 2008)

 

 

 

Ces histoires sont inédites en France.
Elles ont été traduites bénévolement pour faire découvrir au public français des texte inédits en France.
Ces textes peuvent être retirés à la demande des ayants droit.  

Enid Blyton pour les petits